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opposé ; il avance parfois en ligne droite ; il ne présente point cet acharnement à tourner toujours dans le même sens.

Voilà pour la progression sur le sol.

Quand on place dans l’eau un Dytique qui présente un mouvement de manège pendant la marche, et qu’on lui coupe les trois pattes du côté où il se dirige dans son mouvement, on n’observe pas les mêmes résultats que pendant la marche sur une surface unie et résistante.

Faivre avait bien noté la différence qui existe à cet égard entre la marche et la natation. « Soit, dit-il, un Dytique auquel on a enlevé le lobe gauche et coupé le connectif gauche ; l’Insecte a une tendance à tourner à droite, mais ce mouvement est difficile. En effet, la patte natatoire gauche, agent principal de ce mouvement, est directement soustraite à l’influence cérébrale ; néanmoins, elle se meut et concourt à la natation à droite. Après quelques instants, on voit seulement la patte natatoire droite prendre le dessus, et l’Insecte tourne en sens inverse. »

Les observations que j’ai faites confirment pleinement celles de Faivre et me permettent d’y ajouter quelques détails. Pour simplifier et fixer les idées, supposons que nous ayons sous les yeux un Dytique obligé par sa lésion à tourner de gauche à droite, c’est-à-dire dans le sens des aiguilles d’une montre. Pendant qu’il nage, il se sert, pour avancer dans l’eau, de sa deuxième et de sa troisième paire de pattes ; la troisième paire est la plus active, elle est du reste organisée de façon à jouer le rôle de rame ; les deux pattes de la troisième paire donnent leur coup de rame simultanément, ce qui est le propre du Dytique, et ce qui n’a pas lieu chez un autre coléoptère aquatique, l’Hydrophyle. La plus grande force, dans le coup de rame, étant donnée dans le mouvement d’avant en arrière, il en résulte que les pattes du côté droit poussent le corps de l’animal vers la gauche, de même que les pattes du côté gauche le poussent vers la droite, et la progression en avant a lieu par la combinaison de ces deux poussées simultanées. Quand le Dytique décrit un cercle vers la droite, il est facile de constater que la patte natatoire de gauche donne le coup de rame avec plus de force et d’amplitude que celle de droite. Si on coupe la patte natatoire de gauche, on prive l’Insecte du principal organe qu’il employait pour nager en tournant ; mais, en général, on ne l’empêche pas de tourner dans le même sens ; il fait appel à la seconde patte du côté gauche, qui se trouve dès lors obligée d’exagérer son mouvement pour contre-balancer celui de la seconde et de la troisième patte du côté droit, et le mouvement de tournoiement continue, plus lent, plus pénible, par saccades.

Si maintenant on vient à trancher d’un coup de ciseau cette