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droite, les pattes de droite font un pas moins allongé que les autres, ont supposé que les pattes de droite sont atteintes de parésie, et que les pattes de gauche ayant conservé l’amplitude normale de leur pas entraînent, par une sorte de conséquence mécanique, l’Insecte à tourner vers la droite. Cette interprétation est inexacte ; nous allons montrer que chacune des six pattes exécute des mouvements qui sont destinés à produire la rotation. C’est une vérité qui n’avait point échappé aux anciens auteurs.

En effet, on peut lire dans la savante étude de Faivre que nous avons déjà citée : « L’animal tourne du côté du lobe restant pour deux causes : la première, parce qu’il se repousse à l’aide des pattes du côté opposé ; et la seconde, parce qu’il s’attire du même côté à l’aide de ses pattes. La rotation dépend donc d’un ensemble d’actions de toutes les pattes. » Et plus loin, revenant sur la même question, l’auteur ajoute : « le Dytique dispose tout et coordonne tout pour produire ses mouvements toujours dans le même sens[1] ».

L’interprétation précédente n’est nullement hypothétique ; elle s’appuie sur les observations les plus précises ; Faivre en rapporte plusieurs, qui me paraissent décisives, et moi-même, j’ai pu en faire quelques-unes qui m’avaient conduit à admettre l’interprétation de Faivre avant d’en avoir pris connaissance par la lecture de son travail.

Voici d’abord les expériences de Faivre. Il a cherché à soustraire à la volonté de l’Insecte qui exécutait le mouvement de manège les pattes de tout un côté du corps, afin de voir comment l’animal se servirait des pattes qui resteraient sous l’influence de sa volonté. Pour bien faire comprendre l’expérience, rappelons en deux mots la disposition anatomique des ganglions qui tiennent sous leur dépendance le mouvement des pattes ; ce sont trois gros ganglions situés dans le thorax de l’animal ; chacun de ces ganglions, qui est primitivement double, est réuni au précédent par deux connectifs parallèles le premier ganglion thoracique, celui qui innerve la première paire de pattes, est également relié par un double connectif au ganglion sous-œsophagien ; et le sous-œsophagien est réuni au cerveau de l’animal par la double commissure œsophagienne. Faivre a supposé que si on coupe un des deux connectifs, mettons par exemple le droit, entre la masse sous-œsophagienne et le premier ganglion thoracique ou entre deux ganglions thoraciques, cette section a pour effet de supprimer l’action des cérébroïdes sur une ou plusieurs pattes du côté droit. H y aurait peut-être quelques réserves à faire

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