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dérant comparable au cerveau d’un Vertébré. Il enleva à un Orgya pudibunda, la moitié gauche du ganglion sus-œsophagien, et il vit l’animal tourner à droite en décrivant des cercles avec rapidité. Après lui, Burmeister, Rengger, Dugès, Walckenaer et Dujardin firent différentes recherches, principalement sur les Insectes décapités. Yersin[1], reprenant les observations de Treviranus, les vérifia sur des Orthoptères ; il constata qu’une lésion du ganglion sus-œsophagien est presque toujours suivie d’une absence d’équilibre dans les mouvements, et que l’Insecte décrit des cercles. Peu après, E. Faivre commençait ses admirables recherches sur le cerveau des Dytiques, dans ses rapports avec la locomotion[2] ; il parvint à ajouter aux descriptions précédentes des détails importants dont j’ai pu vérifier maintes fois la justesse ; qu’il me soit permis de rendre en passant hommage à la précision scientifique de cet éminent observateur. Enfin, tout récemment, M. Raphaël Dubois, dans une thèse sur les Élatérides lumineux[3], a repris l’étude de la question, en employant la méthode graphique, qui consiste ici à faire marcher l’Insecte sur du papier enfumé ; la trace des pas se marque en blanc sur ce papier noir, ce qui permet d’analyser dans une certaine mesure le mécanisme de la marche chez l’Insecte normal et ses altérations chez l’Insecte opéré. Malheureusement, les tracés pris par M. Dubois sont peu nets et peu démonstratifs au point de vue particulier qui nous occupe.

Nous allons reprendre l’étude de cette question, refaire les expériences de nos prédécesseurs, ajouter quelques expériences nouvelles, et terminer par une hypothèse qui nous paraît être le meilleur résumé des faits.

I

On sait que les mouvements rotatoires ont fait l’objet de nombreuses expériences chez les Vertébrés. Bien que nous jugions prudent de ne point étendre à la physiologie des Insectes les résultats obtenus par l’expérimentation sur les Vertébrés, il sera cependant utile, comme introduction à notre étude, de rappeler les nombreuses distinctions que les auteurs ont été amenés à faire dans le phénomène de la rotation. Ce phénomène n’est un qu’en apparence ; en réalité, il présente un très grand nombre de variétés. Voici les principales, d’après l’ouvrage de physiologie de M. Beaunis.

  1. Bulletin de la Soc. vaudoise des Sciences naturelles, t.  V, p. 119, déc. 1856.
  2. Annales des Sciences naturelles, 1857, p. 245.
  3. Bulletin de la Soc. zoologique de France, 1886.