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VARIÉTÉS

L’INDIVIDU CONTRE L’ÉTAT


La critique a beau avoir soumis M. Herbert Spencer, depuis dix ans, à une discussion continuelle et sévère, on a beau être souvent contre lui du côté des objections que soulève soit telle ou telle thèse en particulier, soit l’ensemble de sa doctrine, il est impossible à qui l’a beaucoup lu de ne pas se réjouir à chaque manifestation nouvelle de son incroyable fécondité. La brochure qu’il donne aujourd’hui n’est que le recueil de quatre articles publiés antérieurement dans la Contemporary Review ; mais l’Essai sur l’Éducation n’était aussi dans l’origine qu’un recueil d’articles de revues, ce qui ne l’a pas empêché d’être, parmi les livres sérieux de notre temps, un de ceux qui ont exercé le plus d’influence. Puisse-t-il en être de même pour les fortes pages de philosophie politique que nous allons analyser[1]. Le succès en serait encore plus justifié, car les quatre articles en question, écrits à la suite les uns des autres, offrent une plus réelle unité : ils mènent à une seule conclusion bien mieux que ne font souvent les divers chapitres d’un même livre ; et cette conclusion nous paraît si vigoureusement motivée, si frappante et, malgré les réserves qu’on y peut faire, si bonne à méditer, qu’il est peu d’ouvrages, à tout prendre, dont la diffusion soit aujourd’hui plus souhaitable.

Les articles en question ont pour titre : I. Le nouveau Torysme. — II. L’Esclavage qui nous menace. — III. Les fautes des législateurs. — IV. La grande superstition politique. L’auteur y a ajouté un Post-scriptum pour répondre à certaines critiques et écarter certaines objections.

L’idée dominante est que, si l’on n’y avise promptement, les progrès de la liberté comme forme politique seront suivis d’une diminution effective de liberté. M. Spencer, naturellement, a surtout en vue l’Angleterre et emprunte à l’histoire de son pays presque tous ses exemples,

  1. Herbert Spencer, The Man versus the State, London, Williams and Norgate, 1884 ; in-8o, II-113 p. M. J. Gerschel vient d’en donner la traduction à la librairie Félix Alcan : L’individu contre l’État, 1 vol.  in-18 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine, 166 pages.