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travail personnel, car tout ce qu’on a fait jusqu’ici pour le service sanitaire paraît encore déplorablement insuffisant, Bref, la raison alléguée ne porte pas la conclusion.

Nous n’insistons pas ; notre dessein n’était pas de formuler le droit de la femme, même dans ses traits les plus généraux ; l’initiative en ce sujet ne pouvant, nous semble-t-il, appartenir qu’à un couple. Notre tentative est plus modeste. Nous avons voulu rappeler deux vérités très simples, très évidentes, qu’on ne saurait contester directement, mais dont on s’applique à détourner les yeux. La première est un principe, l’autre est un fait :

Le principe est qu’une classe destituée de tout moyen régulier d’exercer une influence sur sa propre condition juridique n’est pas libre.

Le fait est que les législateurs masculins ont réglé Le sort de l’autre sexe dans ce qu’ils croyaient être l’intérêt du leur.

Ainsi, quels que soient les prétextes, les mitigations et les apparences, la femme est sans droit dans nos sociétés soi-disant libres.

La personne, en tant que personne, est son but à elle-même. Toute la question est de savoir si la femme est une personne, ou si la femme existe exclusivement pour notre avantage et pour nos plaisirs. Dans la première alternative, la femme est, juridiquement, son propre but, et moralement, elle n’existe pas plus pour nous que nous pour elle. Dès lors, la justice réclame pour elle une part égale à la nôtre dans l’arrangement de la société.

C’est là le point que Mlle Hubertine Auclerc s’efforce de mettre en lumière avec beaucoup de convenance, et sans s’écarter jamais de son propos, s’il nous est permis d’en juger par le petit nombre de ses publications qui soit arrivé à notre connaissance[1].

M. Louis Bridel ne pouvait guère s’occuper de ce côté de la question dans l’étude historique qui a fourni l’occasion de notre travail, puisqu’en dehors du pouvoir monarchique, le droit politique de la femme ne figure pas dans l’histoire. Il s’est attaché surtout au droit de famille. Son demi-volume[2] comprend cinq chapitres, dont le premier esquisse le plan de l’ouvrage. Le second traite, sous le nom de famille maternelle, de la condition des femmes dans les premières phases de la société. Discutant les lois des anciens peuples où la filiation légale s’établissait par la mère, il combat l’hypothèse d’un gouvernement gynécocratique mise en avant par quel-

  1. V. le journal La Citoyenne. Paris, rue Cail ; 12.
  2. La Femme et le Droit, 152 pages in-8o. Paris ; chez Pichon, rue Souflot, 24.