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CH. SECRÉTAN. — la femme et le droit


V

Nous ne répondrons pas aux objections contre le droit, la plupart sont frivoles. L’égalité dans le mariage présente seule de véritables difficultés ; aussi n’est-ce pas l’égalité dans le mariage, mais le concours des deux sexes à l’établissement de la loi du mariage que nous réclamons au nom de la justice. La question des droits politiques de l’épouse, ou plus correctement des époux, peut être considérée comme un corollaire de cette loi. Quant à l’incompatibilité entre la vie publique et les devoirs de la femme en général, nous ne l’entendons pas. Sans rappeler l’antagonisme qui existe déjà pour un si grand nombre entre les soins de la famille et les nécessités de l’existence matérielle, il suffit de faire observer que l’éligibilité n’entraîne point l’obligation d’accepter des fonctions publiques et que, sauf en quelques démocraties microscopiques, cette obligation n’existe nulle part. Encore moins convient-il de s’arrêter aux fadeurs débitées sur les inconvénients d’un mélange dans les conseils. Les personnes que les suffrages d’un corps électoral nombreux (et d’un corps électoral mi parti d’hommes et de femmes) appelleraient à y siéger, auraient sans doute acquis des titres quelconques à la confiance de leurs mandataires, et par cette raison seule, ne seraient probablement plus dans l’âge où l’on excite de vives passions. Nous avons peine à croire que la présence de quelques dames sur les sièges du Palais-Bourbon fit perdre quelque chose à la dignité de l’Assemblée. — Resterait l’inégalité des charges, l’obligation militaire. C’est quelque chose assurément, mais ce n’est pas assez pour légitimer une société dont la moitié des membres n’a pas un mot à dire sur la fixation de son propre sort. Les femmes courent aussi des dangers qui leur sont propres, et qui suivant l’équité, devraient être aussi compensés par des privilèges. De plus, ces dangers-là sont inséparablement liés à la conservation de l’espèce, ils sont la règle ; ceux de la guerre l’accident et l’exception. La guerre est un mal à la suppression duquel il faut tendre, et pour cet effet, il ne convient peut-être pas de tout ordonner en considération de la guerre. L’introduction des femmes dans l’État serait un grand pas, semble-t-il, dans le sens de la pacification générale. La femme souffre de la guerre indirectement et directement de bien des façons, elle y concourt déjà par sa part aux taxes publiques ; on pourrait la frapper, avec les autres exemptés, d’un impôt spécial de compensation ; on pourrait même, sans la faire entrer dans les rangs, exiger d’elle un