Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
610
revue philosophique

qui peut nous révéler une réalité indépendante de nous-mêmes et nous montrer le moi-cause ; le sentiment de l’effort est un simple état de conscience comme les autres. Les expériences que j’ai voulu interpréter ici psychologiquement apportent un singulier appui à la thèse de M. W. James en montrant, d’une part, que les sensations qui accompagnent la contraction musculaire suffisent à rendre compte de toutes les notions attribuées au « sens musculaire » (expériences de M. A. M. Bloch) ; et, d’autre part, que ces sensations concomitantes étant altérées ou abolies, la sensibilité musculaire s’atténue d’autant ou disparaît (expériences de M. P. Magnin et observations cliniques).

Qu’est-ce donc que notre notion d’un mouvement ? Ne faut-il pas adopter l’opinion de ce profond psychologue que je viens de citer ? « L’idée, la notion, la pensée d’un mouvement, dit M. W. James (loc. cit., p. 127), c’est cette perception sensible que nous en obtenons pendant qu’il se produit ou après qu’il est accompli.

Qu’est-ce que cette perception sensible ? Que semble-t-elle être intérieurement ? Je réponds sans hésiter : c’est un agrégat de sentiments afférents qui proviennent d’abord de la contraction des muscles, de l’extension des tendons, des ligaments et de la peau, du frottement et de la pression des jointures ; et secondairement de l’œil, de l’oreille, de la peau, du nez ou du palais, organes qui peuvent en totalité ou en partie être affectés indirectement par le mouvement d’une autre partie du corps. L’unique idée d’un mouvement que nous puissions posséder se compose des images de ces phénomènes, effets afférents de ce mouvement. »

Eugene Gley