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précision scientifique. En effet il arrive que des idées déterminent des actes ; c’est même une marque très caractéristique de certaines organisations que chez elles les actes sont déterminés d’une manière relativement fréquente par de simples idées, sans accompagnement de phénomènes affectifs ou accompagnées de phénomènes affectifs très faibles. D’ailleurs le caractère est différent selon la nature des idées qui peuvent aboutir à un acte. De plus les idées sont très intimement associées aux sentiments, il existe à la fois entre les phénomènes affectifs et les phénomènes intellectuels des relations de concomitance et d’association en même temps que des relations d’influence réciproque. Les phénomènes affectifs sont généralement accompagnés d’images et d’idées et, réciproquement, les images et les idées sont souvent accompagnées à quelque degré de phénomènes affectifs. D’un autre côté les habitudes de l’intelligence influent à quelque degré sur les sentiments ; directement, en effet, les idées nouvelles qui se présentent à l’esprit peuvent éveiller de certains sentiments et en diminuer d’autres, et peuvent surtout développer ceux qui existent déjà ; indirectement, car une idée nouvelle peut en chasser une autre et avec elle les sentiments qui l’accompagnaient. Certaines idées sur la religion sont moins favorables que d’autres à la manifestation et au développement des sentiments d’adoration et même de vénération pour certaines personnes, pour le Christ par exemple. De même nos sentiments pour les hommes en général, pour telle ou telle personne en particulier, peuvent changer avec l’idée que nous nous faisons de ces personnes et de l’homme en général. De même que nous avons pris les phénomènes affectifs pour signes des tendances physiologiques, nous pouvons donc prendre les phénomènes intellectuels comme signes à quelque degré des phénomènes affectifs, et le caractère étant constitué par l’ensemble et le groupement des tendances physiologiques que nous ne pouvons pas étudier en elles-mêmes, nous avons donc trois principaux moyens de le connaître : 1o les actes, résultat le plus immédiat du caractère ; 2o les phénomènes affectifs, signes des tendances ; 3o les phénomènes intellectuels, signes des phénomènes affectifs, et signes aussi des tendances.

De même que nous avons remarqué que les phénomènes affectifs n’étaient pas un signe permettant d’établir le classement et l’existence même de toutes les tendances, de même il faut remarquer que les phénomènes intellectuels ne sont pas un signe sûr des phénomènes affectifs et sont des signes moins sûrs encore de tendances organiques profondes. Mais bien que nous ayons dit jusqu’ici que le caractère se manifeste principalement par les actes, il ne faudrait