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un régime municipal où le plus grand nombre de personnes s’exerceraient à la vie publique et en jouiraient. Chacun de nous, observe-t-il justement, a l’ambition d’être un personnage. « Les fonctions anonymes assomment comme des corvées. Mais qu’on soit seulement caporal de sapeurs-pompiers, et l’on payera de sa personne, on travaillera pour la gloire dix fois plus que pour le profit. »

La quatrième partie de son ouvrage, consacrée à la doctrine, et où il s’inspire des idées de Comte, a valu à M. Coste des critiques assez vives. « Je ne bataillerai pas sur la forme, dit-il à ce sujet dans sa Préface. … J’insiste seulement sur le fond. Je crois qu’une certaine philosophie populaire doit remplacer ou renforcer la religion, qui a depuis longtemps faibli dans son rôle d’éducatrice et qui désormais paraît impuissante à améliorer le fonctionnement social. Je ne vois plus dorénavant de place dans le monde que pour une doctrine fermement appuyée sur la science. » Il a raison, et l’office d’une telle doctrine est indispensable. À mon avis, cependant, cette partie reste la plus faible de son livre, et si ses « Impressions de voyage au xxe siècle » ont le mérite de montrer l’œuvre de la rénovation de l’esprit par l’école et par les cérémonies dans l’humble milieu de la commune rurale, ce morceau est un peu pauvrement exécuté, et cela, d’abord, faute d’un suffisant développement.

Si son ouvrage, du reste, encourt une critique générale, cette critique regarde le peu d’étendue qui le condamnait à être une sorte de programme. De fortes études étaient exigées, sans doute, pour pouvoir tracer un pareil programme, et l’excuse très valable de M. Coste est que son livre est de ceux où un homme instruit se plaît à exposer l’ensemble des convictions solides où il est parvenu, avec l’intention de les développer dans la suite. Il a déjà repris, en effet, plusieurs parties de ce petit livre en des ouvrages spéciaux de grande valeur, et nous signalons volontiers ce travail où s’annonce l’idée maîtresse d’un écrivain appelé à fournir la carrière d’un économiste qui est aussi un philosophe. Cette idée maîtresse est celle de la liberté, dont il est de mode aujourd’hui de se défier ; mais elle est ici tout à fait ferme, parce qu’elle demeure l’expression de faits positifs, et qu’elle signifie toujours l’accroissement régulier de l’homme social, considéré comme père de famille, comme travailleur, comme citoyen, comme être pensant et conscient.

Lucien Arréat.

Dr H. Thulié.La Femme.Essai de Sociologie physiologique. In-8o, 517 pages.

M. le docteur H. Thulié, ancien président du Conseil municipal de Paris, étudie la condition de la femme, ce qu’elle a été, ce qu’elle est, ce qu’elle doit être. « Ce n’est pas, dit l’auteur, un livre de justice métaphysique et d’aspirations idéales ; il s’appuie sur les lois naturelles,