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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

motrice et du sentiment, quand nous avons vu que tout phénomène affectif est dû à l’arrêt d’une tendance. Mais nous avons vu aussi que souvent l’arrêt n’était pas complet et que la tendance s’accompagnait de sentiment quoiqu’elle aboutit à l’acte, parcequ’elle n’arrivait pas sans obstacle à son terme. Il s’agit maintenant d’examiner à d’autres points de vue, un peu moins généraux, les rapports des phénomènes affectifs et des phénomènes de mouvement. L’activité motrice, comme nous l’avons dit, précède souvent le sentiment cela arrive surtout quand un acte, un système de mouvements est produit, non par une tendance particulière, par un besoin organique défini, mais par la rencontre de plusieurs autres tendances. Cela arrive, par exemple, comme je l’ai indiqué, pour les débuts de l’habitude de fumer ; en ce cas l’acte précède le sentiment ; plus tard, quand l’acte répété donne lieu à un nouveau besoin, à une nouvelle tendance, l’accomplissement de l’acte est précédé et accompagné de certains phénomènes affectifs et intellectuels qui constituent le désir de cet acte et le plaisir de l’accomplir. À cette période-là, on dit qu’on fait une chose parce qu’on la trouve agréable. On voit ce qu’il peut y avoir à reprendre dans cette manière de parler, et comment il faut entendre cette phrase pour qu’elle exprime la réalité psychologique. L’état mental est un simple phénomène accompagnant les phénomènes physiologiques qui précèdent l’accomplissement de l’acte. Mais on peut prendre le phénomène psychologique comme signe des phénomènes organiques qu’il accompagne, on peut par le mot sentiment entendre l’ensemble des phénomènes psycho-organiques concomitants et rien n’empêche alors de dire que le sentiment est cause de l’action.

En nous plaçant à ce point de vue, nous voyons que le degré d’influence motrice du sentiment paraît, toutes choses égales d’ailleurs, être proportionnel à son degré d’intensité pour la conscience. Cependant nous n’avons là qu’une loi approximative et valable seulement dans des limites assez étroites. En effet, des processus purement organiques sont plus forts souvent que des sentiments et l’emportent sur eux dans la détermination des actes. Il est difficile, quelque désir que l’on en ait, de tenir les yeux ouverts quand on en approche vivement un objet. On voit souvent aussi que l’habitude, en émoussant le sentiment ne fait que faciliter l’acte, et la loi que nous avons donnée de la production des phénomènes affectifs explique bien que la tendance au mouvement ne soit pas en rapport avec la loi énoncée du rapport des phénomènes affectifs aux phénomènes d’activité. Toutefois cette dernière loi paraîtra, je crois, suffisamment exacte, si l’on fait entrer dans la proposition « toutes choses égales