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PAULHAN. — les phénomènes affectifs

portons les deux processus, les différences éclatent considérables et nous voyons deux groupes de phénomènes opposés ayant de commun quelques phénomènes secondaires.

Il est inutile d’insister longuement sur la dissolution qui ne présente guère que la disparition successive des caractères que l’évolution avait fait naître ; nous devons pourtant en marquer quelques caractères. Parfois il arrive que les sentiments accessoires suscités par un sentiment principal survivent à ce dernier, ainsi la jalousie survit quelquefois à l’amour. En ce cas il est très probable que le sentiment persistant correspond à une manière d’être du caractère profondément ancrée, la rencontre de cette disposition avec une autre disposition plus passagère (par exemple l’égoïsme et l’amour) ont fait naître une passion secondaire, la jalousie qui persiste parce qu’elle repose sur une des assises fondamentales de l’esprit. D’autres fois le sentiment en mourant se transforme en un sentiment de caractère différent (l’amour et la haine, l’amour et le mépris, l’amour et l’amitié, etc.).

Enfin le sentiment qui disparaît dans l’habitude a pour principal caractère, la tendance persistante de laisser quelque temps dans l’esprit un substitut psychique dont nous avons déjà parlé. Ce substitut peut tenir sa place et remplir son rôle et il tient si bien cette place que, généralement, on le prend pour le sentiment lui-même. Ainsi l’on dira très bien que l’on aime ou que l’on hait, alors que l’on n’a dans l’esprit, que l’on ne peut percevoir par le sens intime aucune émotion d’amour ou de haine. Nous n’insisterons pas ici sur ces phénomènes que nous avons déjà examinés, et dont nous n’aurions plus à nous occuper qu’au point de vue dynamique, je rappelle seulement que ces substituts subsistent aussi souvent pendant les éclipses temporaires des phénomènes affectifs et que les tendances dont ils sont l’expression peuvent même alors prendre part à la direction de nos actes.

La dissolution des sentiments pourrait être aussi étudiée à l’aide des faits fournis par les maladies mentales, mais je n’aborderai pas ici ce sujet qui sera, je l’espère, traité à part dans la Revue, comme l’ont été les maladies de la mémoire, de la volonté et de la personnalité.

En parlant de l’évolution du sentiment, nous devons envisager aussi tout naturellement l’évolution des rapports des phénomènes affectifs avec les phénomènes psychiques et les phénomènes organiques, et en premier lieu les rapports des phénomènes affectifs et des phénomènes intellectuels.

Ces rapports sont toujours très étroits. Nous avons vu que bien des