Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
420
revue philosophique

logie et l’hypothèse. » C’est de la conscience que jaillit la lumière qui vient-éclairer l’immense scène du Cosmos. Par une induction toute naturelle, la pensée applique au monde extérieur les enseignements du sens intime sur la vraie nature de la force et sur la vraie portée du mouvement. Toute force étant une cause et tout mouvement une tendance, le principe de causalité et le principe de finalité dominent le monde des sens, aussi bien que le monde de la conscience » (p. 212-213). Vous entrevoyez les conséquences de ce raisonnement par analogie. Le vrai principe des choses, ce n’est pas la matière, c’est l’esprit. « La définition du mouvement et de la force par la mécanique n’est qu’une pure abstraction. La force réelle est une force qui tend à un but. Le mouvement n’est que la réalisation de cette tendance. C’est en ce sens que le spiritualisme peut affirmer qu’une pensée finale étant en toute chose, l’esprit est partout… Loin que l’esprit ne soit que le maximum de la matière, c’est la matière qui est le minimum de l’esprit ; car dans le type le plus simple, comme dans le type le plus complexe de l’Être, c’est toujours l’esprit qu’on retrouve. L’Être c’est l’esprit, l’esprit c’est l’Être proposition dont l’identité peut être algébriquement exprimée par A = A » (p. 214).

Et maintenant qu’est-ce qui vérifie cette induction ? qu’est-ce qui justifie et légitime ces analogies et ces hypothèses ? Ce qui donne force de loi à l’induction scientifique, c’est le témoignage des faits ; ce qui justifie une hypothèse, c’est que seule elle permet d’entendre les phénomènes qui pour ainsi dire l’imposent à l’esprit. Il en est de même, selon M. Vacherot, des analogies de la métaphysique spiritualiste. « Qu’est-ce qui fait de l’éther une hypothèse qui a maintenant l’autorité d’une vérité scientifique dans le monde savant ? C’est qu’il est impossible d’expliquer la transmission de la lumière sans l’existence de la matière éthérée… Quand le spiritualisme n’aurait que le privilège d’expliquer le plus grand des mystères, l’ordre universel sortant du chaos universel, ne serait-ce pas une hypothèse fort respectable » (p. 215-216). Ainsi les hypothèses de la métaphysique, comme les hypothèses de la science, se vérifient par les faits qu’elles expliquent et qui les suggèrent. L’esprit ne peut leur échapper, elles sont la conséquence nécessaire de ses lois et de la réalité. « L’induction, qui transporte du monde de la conscience au monde de la Nature les notions de causalité et de finalité, s’impose avec l’autorité d’une loi de la pensée humaine, qui peut s’arrêter devant le mystère, mais non devant l’absurde » (p. 216).

Nous avons tenu à donner une idée nette de la méthode de M. Vacherot. Nous n’insisterons pas sur les détails de son système, que l’on peut déjà pressentir. Il en est de la philosophie comme de l’architecture : la nature des éléments définit les grandes lignes de la construction. Sa critique de l’idée de matière le conduit au dynamisme. « La réalité que nos sens nous font percevoir est essentiellement mouvement et action, et l’idée de force est tout ce qui reste de la notion expérimentale de la substance matérielle, du moment que l’analyse en a éliminé