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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Étienne Vacherot. — Le nouveau spiritualisme, in-8o. Paris, Hachette.

M. Vacherot a sa place marquée dans l’histoire de la philosophie française au xixe siècle[1]. Il a eu l’honneur de réveiller les esprits qui s’endormaient dans des doctrines toutes faites, de soumettre à la discussion les formules de la scholastique nouvelle. Ce spéculatif, ce sincère, a connu la persécution, un moment même cette gloire un peu bruyante, qui semble n’aller qu’au charlatanisme. Depuis il a payé cet te heure de popularité. La foule s’arroge le droit d’asservir à jamais les libres esprits qu’elle acclame, et que le hasard seul parfois a fait se rencontrer un jour avec ses désirs ou ses rancunes. M. Vacherot a scandalisé les politiciens de son temps. L’empire tombé, il n’avait qu’à se laisser faire, qu’à se laisser porter, pour arriver à tout. Un air de gravité et le silence y suffisaient. Mais ce philosophe naïf a la manie de dire ce qu’il pense. On l’accuse de trahison ; il répond fièrement : « J’étais libre penseur, quand le nom était plus noblement porté. Je garde ce nom, dont pouvaient s’honorer les sincères amis de la liberté, alors qu’il y avait pour eux quelques risques à courir. » Il affirme qu’il n’a pas changé. Qui sait ? Platon fait la satire de la démocratie, parce qu’il assiste aux scènes de l’agora ; Aristote fait la théorie de la démocratie, parce qu’il a vu les soûleries de la soldatesque macédonienne. Pourquoi ne pas accorder à M. Vacherot qu’il est resté ce qu’il était, un amoureux de vérité, un spéculatif épris de ses rêves ?

Le nouveau livre de M. Vacherot est comme le testament du philosophe. Il y a toujours quelque chose de touchant et de grave dans la dernière méditation d’un homme qui a consacré sa vie à la recherche de la vérité. Il n’a plus besoin des autres ; il n’attend rien d’eux ; il sait ce que valent leurs éloges et il n’a que faire de les flatter ; c’est ce qui lui semble le vrai, rien de plus, rien de moins qu’il leur offre. L’auteur nous avertit de ne pas chercher dans son œuvre un nouveau système, un démenti au passé ; c’est un commentaire et un résumé. « Je puis le redire sans regret ni orgueil, à la fin d’une vie consacrée à la libre

  1. Sur la philosophie de M. Vacherot, voyez Revue philosophique, janvier et février 1880.