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pour ceux qui agréent à ces notions. Celles dont l’emploi nous est nécessaire, les idées de personne et de droit forment la base de nos lois ; les conséquences qui en découlent valent donc pour les jurisconsultes et pour les publicistes, quelque peu d’état qu’en puissent faire certains métaphysiciens, tant parmi ceux qui acceptent ce nom que parmi ceux ui s’en défendent. Et nous ne désespérons pas de nous entendre même avec ces derniers. On a beau professer le déterminisme et caser le libre arbitre sous la rubrique d’un surnaturel qui ne mérite pas l’honneur d’une discussion sérieuse ; on a beau, suivant jusqu’au bout l’empirisme, résoudre le moi dans un phénomène de conscience et donner pour substance unique à la personne un organisme matériel qui s’altère et se renouvelle incessamment ; lorsqu’après avoir tout à fait nettoyé le terrain, l’on essaiera d’y bâtir une demeure, lorsqu’il s’agira de consacrer ou de réformer les institutions existantes, de justifier ou de remplacer l’État et le pouvoir de la contrainte qu’il s’attribue avec l’assentiment général, il faudra bien trouver des équivalents du droit, de la responsabilité, de la personne, comme on cherche des équivalents pour l’obligation morale ; en d’autres termes, il faudra revenir pratiquement à l’obligation, à la responsabilité, à la personne et au droit. Nous conserverons donc à ces termes leur acception familière et nous en userons avec toute liberté d’esprit.

I

Dans ces explications préliminaires, on a déjà discerné notre conclusion. Il est évident, en effet, que la question des droits de la femme s’absorbe dans la question générale de l’existence du droit et se résout avec elle. Si la loi n’est et ne peut être que la volonté du plus fort, si la comparaison entre ce qui est et ce qui doit être n’est pas légitime, si ce mot légitime n’a pas de sens propre, s’il n’y a pas d’ordre moral et pas de droit, la question philosophique des droits de la femme se réduit à savoir quelle condition il convient aux détenteurs du pouvoir de lui faire, en considérant exclusivement leur propre intérêt. Nous examinerons subsidiairement la question à ce point de vue.

S’il est un droit, au contraire, s’il est un ordre raisonnable, que la volonté raisonnable ait pour devoir de réaliser, la question du droit de la femme est comprise tout entière dans cette question : la femme est-elle un sujet de droit, en d’autres termes, la femme existe-t-elle