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possibilité de la division à l’infini comme évidente, il établit facilement qu’elle donnera des parties de plus en plus petites, sans qu’il y ait de terme à la diminution. Donc, s’il y a un élément final, il sera rigoureusement nul (application du principe des limites), ce qui se confirme d’ailleurs par cette raison que la division ultérieure n’est plus possible, et qu’alors l’élément ne présente pas de parties différentes l’une de l’autre, qu’il est rigoureusement réduit à un seul et même point ; or, l’addition de ces éléments nuls, si nombreux qu’ils soient, ne peut jamais donner qu’une somme nulle. Mais {seconde partie du dilemme), on peut soutenir que la division ne donnera jamais que des parties ayant une grandeur, et que, par conséquent, l’élément final en aura lui-même une ; dans ce cas, comme la division se prolonge à l’infini, il y a un nombre infini de ces éléments, donc, la chose divisée aura une grandeur infinie.

Simplicius dit aussi[1] que Zénon démontrait que, s’il y a pluralité, les mêmes choses sont limitées et illimitées : « S’il y a pluralité, il a est nécessaire qu’elles soient autant qu’elles sont, ni plus, ni moins. Étant autant qu’elles sont, elles seront limitées ; mais s’il y a pluralité, les choses sont illimitées ; car il y en a toujours a d’autres entre les unités, et encore d’autres entre les précédentes et ainsi les choses sont illimitées. »

C’est ce passage que Simplicius dit donner κατὰ λέξιν ; il est clair que sa brièveté est très suspecte ; mais le sens général n’est pas douteux ; ici Zénon amène réellement son adversaire à une contradiction : dire que les corps sont une somme de points, c’est admettre implicitement que le nombre de ces points est limité, mais il est certain, au contraire, qu’entre deux points, si voisins qu’ils soient, du moment où ils ne se confondent pas rigoureusement, il y a d’autres points, puisque la division à l’infini est toujours possible. Tel est bien certainement le sens de l’argumentation, que Zeller a mal rendu, quoiqu’il ait reconnu le λόγος de la dichotomie, comme disaient les anciens. Ce terme vient évidemment de ce que, dans ses divisions, Zénon procédait toujours par moitié pour plus de simplicité.

Le même mode de division était employé par l’Eléate dans le premier argument sur le mouvement ; il conduit à un nombre de points infini et il est impossible d’occuper successivement un nombre infini de positions dans un temps fini ; au contraire dans le célèbre argument d’Achille et de la tortue, le nombre infini de positions succes-

  1. Phys., 30 a, édit. Diels, p. .