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sant, il lui manque la dignité (Würde) et la persistance. Pour qu’il acquière l’une et l’autre, il faut qu’il devienne moral ; il faut que nous nous formions une conviction morale par laquelle les concepts du devoir, de la divinité et de l’immortalité de l’âme prennent racine en nous.

La vie qui atteint la conscience de soi, la spiritualité pure procure à la fois l’indépendance de la volonté et la clarté de l’opinion. La conscience n’est pas quelque chose d’ajouté, elle ne vient pas d’un prétendu inconscient primitif ; en elle se montre l’action d’une raison universelle dont nous sommes les parties intégrantes.

Dès qu’un être est devenu conscient, les tendances sympathiques, la sagesse, l’amour se développent en lui dans la mesure même où il est devenu conscient. Le bien suprême, dit Fortlage avec Platon, est la conscience ou l’intelligence suprême, la raison pure et la raison pratique sont en accord ; la pensée ne saurait entrer en opposition avec ia religion puisque son essence la porte à s’élever à la vie divine, La philosophie de la religion a pour but d’élever la vie religieuse au plus haut degré de conscience.

Nous acquérons l’Idée de Dieu, de l’être véritable (ὄντως ὤν) lorsque nous enlevons au concept de l’être saisi par l’expérience tout ce qui le limite et le conditionne. Dieu se distingue de l’univers : fl est absolu, parce qu’il est inconditionné et parfait ; il est un, n’ayant ni cause ni principe. La raison humaine n’est qu’un phénomène, nous ne pouvons connaître que la périphérie de l’absolu, son centre, le Mysterium magnum demeure inconnu pour nous.

Dieu se distingue encore de l’univers, car le bien n’est dans le développement du monde qu’un but conçu seulement à l’origine, puis peu à peu et partiellement réalisé. Mais si Dieu n’est pas dans le monde, le monde n’est pas extérieur à Dieu, Fortlage se rapproche ici du panenthéisme de Krause. L’homme occupe dans le monde une position centrale, il est fils de Dieu ; c’est un rameau qui croît, tandis que les autres créatures ne sont que des feuilles tombées. Sa nature spirituelle et morale le rend immortel ; il y a un monde où l’activité dirigée par la loi morale pourra pleinement atteindre son but. L’homme trouve en lui une tendance au mal d’abord plus forte que l’instinct rationnel ; il à a besoin du secours de Dieu ; le désir du rachat (Erlösung) croît en lui, il veut arriver à un monde où règne la sympathie sans mélange d’égoïsme. Le christianisme seul peut assurer l’accomplissement de ce désir. Le christianisme universel doit être le faîte et le principe de toute civilisation ; il doit exercer son influence sur tout ce qui peut appartenir à l’être humain. Le christianisme, dit Fortlage, comme type de l’homme régénéré repose sur une seule idée fondamentale, l’union du Christ et de son église (Gemeine), c’est-à-dire l’union du Christ et de l’humanité. Le Christ désigne pour lui l’homme idéal, le type immortel de l’humanité, l’homo noumenon de Kant, le Moi absolu de Fichte. Jésus est le premier qui ait atteint complètement cet idéal ; il est pour l’éternité le chef de cette communauté qui comprendra l’humanité, mais dès que