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l’heure et le jour de leurs accès, disent si elles guériront ou non, et prévoient la date de leur guérison ; mais il est très possible qu’il n’y ait là qu’une affaire d’autosuggestion.

Un fait que j’ai constaté plusieurs fois et qui me paraît hors de doute, c’est que certains sujets reconnaissent au toucher, ou du moins sans le secours de la vue ni de l’ouïe, le sexe et l’âge approximatif des personnes avec lesquelles on les met en rapport. En outre quand on met un sujet en rapport avec une personne malade qu’il ne connaît pas, il arrive parfois et trop souvent pour que ce soit un effet du hasard ou une simple coïncidence, que le sujet désigne la partie malade. Certains somnambules, en particulier Mme M… m’ont paru remarquables à ce point de vue. Mais il faut dire aussi qu’ils se trompent souvent.

Tous ces faits, quelque étranges qu’ils puissent paraître, peuvent s’expliquer cependant par une augmentatien d’activité des sens, par une hyperesthésie sensorielle excessive, telle qu’on la constate dans le somnambulisme, sauf peut être les derniers faits pour lesquels il faudrait invoquer une sensibilité organique spéciale ; mais comme cette question est purement physiologique, je n’ai pas à la traiter ici.

À l’état mental des hypnotisés se rattache un point qui m’intéressait particulièrement et que j’ai cherché à étudier et à résoudre. Les somnambules mentent-ils pendant leur sommeil ? Pitres, dans son mémoire, répond affirmativement à la question. Pour lui, certains sujets peuvent, pendant le sommeil hypnotique, mentir volontairement et sciemment. Interrogés sur des faits qu’ils connaissent, sur des actes dont ils ont le souvenir précis, ils peuvent faire des réponses contraires à da vérité (p. 60), et il cite à l’appui l’exemple d’une femme à laquelle il fit commettre un meurtre par suggestion pendant son sommeil et qui, dans un sommeil ultérieur, ne l’avoua qu’après avoir été pressée de questions et après l’avoir nié avec énergie. Pour ma part, je n’ai jamais pu surprendre un des sujets que j’ai observés en flagrant délit de mensonge ; ils ont quelquefois refusé de répondre à mes questions ; si ma demande leur était désagréable, ils répondaient simplement : « Je ne veux rien dire », ou se taisaient ; jamais ils ne m’ont dit le contraire de la vérité. À plusieurs reprises, j’ai cru les prendre en défaut sur certains détails, mais, vérification fuite, j’ai été obligé de reconnaître que je me trompais et que c’était ma mémoire qui était en faute et non leur bonne foi. J’ai cité plus haut des observations dans lesquelles les sujets ont raconté des détails qu’ils auraient certainement préféré taire s’ils l’avaient pu. Je les ai souvent interrompus en leur disant. « Vous ne me dites pas la vérité », et toujours leur réponse a été la même pendant le sommeil