Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
BEAUNIS. — l’expérimentation en psychologie

notiseur. Mais ce danger, quelque redoutable qu’il soit, peut être atténué. Il faut, et c’est là une règle dont on ne doit jamais se départir, que le sommeil ne soit provoqué qu’en présence d’un tiers autorisé, parent, mari, père, etc., qui garantisse à la fois l’hypnotiseur et l’hypnotisé. On préviendra ainsi toute supposition fâcheuse, toute accusation ultérieure, tout soupçon de tentative qui n’aurait pas pour but le soulagement du sujet ou un intérêt scientifique. Il ne faut jamais opérer seul, d’hypnotiseur à hypnotisé. Mais, dira-t-on, un individu pourra toujours abuser dans un but criminel du pouvoir qu’il aura acquis sur son sujet. À ceci nous ne pouvons rien, pas plus que nous ne pouvons empêcher un malfaiteur d’employer pour empoisonner les gens les substances que le médecin emploie pour les guérir. Les phénomènes du somnambulisme sont aujourd’hui entrés dans le domaine public ; tout le monde sait à peu près ce que c’est, et tout le monde en parle et il serait impossible d’en faire un mystère. Il sera aussi facile à un individu mal intentionné de se mettre au courant des procédés d’hypnotisation, que de prendre connaissance des propriétés toxiques de l’arsenic ou de la strychnine. C’est au législateur à prévoir les cas que la science lui indique et à agir en conséquence.

Mais, cette objection écartée, il en reste une autre. L’hypnotisation n’offre-t-elle pas des dangers pour le sujet lui-même, surtout quand elle est répétée fréquemment ? Ces dangers, qui ont été du reste beaucoup exagérés, tiennent en grande partie à l’imperfection des procédés employés et à l’inexpérience de l’hypnotiseur. Pour ma part, je n’ai jamais vu que des accidents tellement légers qu’ils ne peuvent réellement pas inquiéter et qu’on s’en rend maître facilement. Un peu de mal de tête, des douleurs variables comme forme et comme siège, quelques crises nerveuses allant rarement jusqu’à la véritable attaque de nerfs, l’imminence d’une syncope, tels sont les seuls accidents à craindre et qu’on peut, du reste, aisément prévenir.

Quoique ce travail soit essentiellement psychologique, j’ai cru utile d’entrer dans ces considérations préliminaires pour montrer les conditions dans lesquelles mes observations ont été faites. Je terminerai en résumant en quelques mots les précautions à prendre dans l’hypnotisation, ne serait-ce que pour ceux de mes lecteurs qui, n’étant pas médecins, voudraient répéter ces expériences.

Quand on hypnotise, il faut toujours s’astreindre aux préceptes suivants :

Ne jamais endormir qu’avec le consentement formel du sujet, et toujours en présence d’un tiers autorisé ;