Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
revue philosophique

assujettissement à la volonté d’un autre. Il ne sert de rien de vouloir atténuer la gravité de ce fait, et il vaut mieux l’envisager tel qu’il est en réalité, et cette réalité, c’est dans certains cas, le pouvoir absolu de l’hypnotiseur sur l’hypnotisé.

Heureusement, il y a un correctif à cette puissance. Les personnes qui ont cette aptitude à entrer en hypnotisme, aptitude dont le premier venu, le sachant, pourrait abuser dans une intention coupable, ces personnes peuvent être garanties d’une façon efficace, et j’ai employé le moyen plusieurs fois. Il suffit de leur suggérer que personne ne pourra les endormir pendant un temps déterminé pour que toutes les tentatives restent infructueuses. Aussi est-ce toujours une précaution utile à prendre avec ces sujets que de leur suggérer cette interdiction absolue en précisant, si on le juge convenable et avec l’assentiment du sujet, les personnes auxquelles on veut conserver la faculté de les hypnotiser.

Le réveil s’opère, en général, avec la plus grande facilité. Il suffit de souffler sur les yeux, d’agiter un éventail devant la figure ou de dire simplement : « Réveillez-vous » pour que le réveil se fasse. On peut aussi rattacher le moment du réveil à un acte quelconque ; ainsi on peut dire au sujet : Vous dormirez cinq minutes, dix minutes, un quart d’heure, et il s’éveillera exactement au moment fixé. La mesure du temps paraît, comme on le verra plus tard, se faire avec une grande précision chez les somnambules. On peut aussi leur dire : Vous vous réveillerez quand je vous mettrai la main sur le front, quand je vous toucherai le bras, quand je vous dirai tel mot, etc., etc.

Dans certains cas, le réveil se fait avec quelque difficulté, mais on arrive toujours à en triompher. Cette résistance au réveil peut tenir au sujet lui-même qui ne veut pas être réveillé. Pitres (Des suggestions hypnotiques) cite l’exemple d’une somnambule qui refusait de se laisser réveiller, quand on lui faisait une suggestion qui lui était particulièrement désagréable.

Le réveil s’accompagne parfois de quelques accidents légers, surtout de mal de tête ; cela arrive par exemple, quand les sujets ont été incomplètement réveillés. Aussi ne faut-il les laisser partir que quand ils se sentent eux-mêmes parfaitement réveillés. Il est du reste prudent, chez les sujets chez lesquels ces légers inconvénients se présentent, de leur suggérer pendant leur sommeil qu’à leur réveil ils n’auront pas de mal de tête et qu’ils se sentiront très bien.

Avant de terminer ce paragraphe, je dois dire quelques mots des dangers de l’hypnotisme. Le vrai, le seul danger, et il est très sérieux, c’est d’asservir le sujet à l’expérimentateur, de façon qu’une fois le pli pris, l’hypnotisé se trouve sous la dépendance absolue de l’hyp-