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ANALYSES.s. rubinstein. Essays de psychologie, etc.

Dr Susanne Rubinstein. Psychologisch-aesthetische Essays, Zweite Folge (Essais de psychologie et d’esthétique, 2e série). — Heidelberg, Carl Winter, 1884. — In-8o, 278 p.

Une première série d’essais, publiée par Mlle S. Rubinstein, comprenait six morceaux portant les titres suivants : la vie des sens ; contribution à la science du langage ; sur la mémoire ; imagination et fantaisie (fantaisie créatrice) ; caractéristique de la fantaisie chrétienne germanique. Cette première série paraît avoir été accueillie avec faveur en Allemagne. La deuxième série, dont j’ai à parler, est composée également de morceaux détachés, morceaux bien écrits, où se trahit par endroits un certain emportement féminin ; et la lecture de ces derniers Essais m’a été assez agréable pour me donner le regret de ne pas connaître les premiers. La matière en est toutefois si variée que ma critique ne saurait porter utilement sur tous les points, et je prendrai donc la liberté de négliger les morceaux relatifs aux événements de nos représentations, à l’espace et au temps aux espèces de mouvements, à la psychologie des sexes, à la passion et à l’émotion, pour pouvoir parler un peu plus en détail de ceux qui ont pour objet l’histoire naturelle de l’esprit (au sens de Witz, saillie) et la caractéristique de la fantaisie grecque et hindoue, Aussi bien les morceaux que je néglige n’offrent pas beaucoup de nouveauté et l’auteur y fait preuve seulement d’une véritable instruction et d’une parfaite liberté d’esprit en reprenant à son profit des questions élaborées par les maîtres,

Mlle S. Rubinstein rapporte le dire des principaux philosophes qui ont traité du comique en général, et en particulier du mot d’esprit. Kant faisait consister l’esprit dans la faculté d’établir des similitudes. Pour Schopenhauer, le rire naît d’une incongruence du contenu avec le sujet considéré. E. Hecker veut aussi qu’il y ait deux représentations, compatibles ou incompatibles lune avec l’autre, et le rapprochement s’en doit faire, selon Th. Vischer, avec suppression des intermédiaires, de façon à en relever subitement le contraste. Léon Dumont ne s’écarte pas beaucoup des explications précédentes, et le rire s’attache, d’après lui, à la perception de deux représentations desquelles l’une supprime ou contredit l’autre : ainsi, quand un petit homme se courbe pour passer sous une porte, la non-valeur de ce mouvement qui convient à une personne grande ne manque pas d’exciter l’hilarité. La fameuse sentence de Jean-Paul, que l’esprit est un prêtre qui bénit un couple, en déshabillé, laisse encore apercevoir les deux termes. Mais Kuno Fischer nous instruit du détail de la cérémonie, définissant le mot d’esprit un jugement piquant par où quelque chose de caché est mis en une vive lumière, et Mlle S. R. estime à son tour que l’esprit consiste à découvrir des rapports cachés entre des groupes de conceptions qui contrastent. Il suffit, dit-elle, d’y relever un seul caractère comme terme de comparaison et de choquer les deux séries en un point, pour que jaillisse l’étincelle. Du reste, ce caractère peut être positif ou négatif, etc.

Cette interprétation découle très logiquement des autres et la défini-