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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Herbert Spencer. Principes de sociologie. Traduction française, par M. E. Cazelles. Tome III. Paris, Germer Baillière et Cie, 1883.

C’est avec une admiration croissante que nous suivons le développement de la grande œuvre entreprise par M. Herbert Spencer. L’intérêt augmente à mesure qu’on avance ; et le 3e volume des Principes de sociologie dépasse, s’il se peut, l’attente qu’avaient fait naître les deux premiers. Par leur complexité, par leur indétermination apparente, les phénomènes sociaux semblaient devoir se soustraire aux lois qu’on prétendait leur imposer, et voilà qu’ils viennent se ranger docilement dans les cadres que leur a tracés par avance le système de l’évolution. Peut-être cette docilité ne va-t-elle pas sans quelques secrètes résistances ; nous ne voudrions pas répondre que la conjecture n’a jamais sa part dans les explications, que tous les faits sont définitivement rattachés aux principes généraux de la théorie. Ces principes mêmes n’ont pas conquis encore toutes les adhésions, et la formule déjà célèbre : La société est un organisme, ne s’impose pas désormais avec l’autorité d’une proposition démontrée. Nous ne reviendrons pas sur une discussion qui a eu sa place ici même et dont les lecteurs de la Revue n’ont pas oublié la pénétrante solidité. Mais, toutes réserves faites sur les principes nous ne pouvons que rendre hommage aux merveilleuses ressources d’esprit déployées par M. Spencer dans l’interprétation des faits ; à une érudition qui embrasse, pour ainsi dire, tout le passé du genre humain, à un sens vraiment exquis d’induction et de généralisation qui va saisir, jusque dans les détails les plus insignifiants en apparence, la trace effacée des grandes lois de l’évolution sociologique.

Nous avons parlé d’érudition. On sait que M. Spencer a publié plusieurs atlas de Sociologie descriptive, qui contiennent, mis en ordre et présentés sous forme de tableaux, les matériaux utilisés dans les Principes de sociologie. Ces atlas ont été dressés sous sa direction ; il n’a fourni que les cadres, des collaborateurs distingués les ont remplis. L’érudition de M. Spencer est donc plutôt collective, bien qu’une large part des recherches soit son œuvre propre. Mais n’y a-t-il pas là un précieux exemple de division et de spécialisation du travail ? Pourquoi ne