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secrétan. — la restauration du thomisme

néraliser : L’intellectualisme est conforme à l’esprit permanent d’une hiérarchie qui cherche à justifier sa domination en présentant l’unité et la pureté de la doctrine, qu’elle prétend garantir, comme l’intérêt religieux par excellence, auquel tout doit être sacrifié. Ces réflexions faciliteront peut-être la solution d’un curieux problème historique, auquel le mouvement actuel des écoles catholiques prête un regain d’intérêt.

La suprême autorité de l’Église ayant recommandé l’étude et la profession du thomisme comme un remède aux maux dont ce grand corps est affligé, il convenait d’apprécier avant tout cette doctrine dans ses rapports avec l’esprit du christianisme. Quant à ceux qu’elle pourrait soutenir avec la science moderne, il sera permis d’être bref. Il n’y a pas d’entente possible entre la science et une école qui invoque la chose jugée et pense trancher une question quelconque par un appel à l’autorité.

Et, maintenant, la discussion s’engagera-t-elle ? S’il y a lutte, qui l’emportera ? Que peut-on attendre de cet appel du Saint-Siège, qui a déjà fait surgir toute une littérature, plus abondante, nous semble-t-il, que savoureuse[1] ? Avant de pouvoir former une conjecture sur ce sujet, il faudrait comprendre la situation du catholicisme dans ce soir obscur du xixe siècle.

VII

Pour établir ses droits à dominer les consciences, Rome suppose invariablement ce qui est en question ; mais on ne saurait méconnaître que son fondement idéal, la perpétuité de l’esprit dans l’Église, est incomparablement supérieur, soit comme logique, soit comme force, à l’inspiration littérale et à l’autorité exclusive de l’Ancien et du Nouveau Testament où s’appuyait la Réforme. Aujourd’hui, cette pierre angulaire est rejetée par beaucoup de protestants, désavouée ou dissimulée par un plus grand nombre encore, sans qu’ils trouvent

  1. Dans le dernier des discours publiés sous le titre de Rinnovemento del pensiere tomistico, M. Talamo énumère les auteurs de l’école, au premier rang desquels il place M. Silœckl, professeur à Würzburg, auteur d’une histoire générale de la philosophie et d’une histoire de la philosophie au moyen âge. La liste des travaux de ces écrivains pendant les années 1874, 1875 et 1876 monte à un chiffre assez considérable. La part de la France, bornée aux sermons : du père Monsabré, s’est notablement accrue depuis l’encyclique Æterni Patris.