Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/711

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
707
ANALYSES.p. von gizycki. Philosophie d’Épicure.

crimes sous les mépris de son fils. Le poète est toujours préoccupé de son rôle de justicier, à l’instar du mélodrame, il attribue à ces coupables, avec la conscience de leurs souillures, le repentir purifiant. Cette justice, devant laquelle l’agent moral demeure toujours pleinement responsable, ne tient qu’un faible compte des faits d’hérédité, de tempérament, d’éducation, de milieu. Le roman naturaliste, au contraire, pèse ces faits et suit patiemment le jeu nécessaire des lois naturelles. Le mélodrame se débarrassait volontiers des méchants en les livrant aux tribunaux ; en général, le drame et le roman nouveaux préfèrent dérouler les conséquences fatales du crime et du vice : c’est plus dramatique et c’est en même temps d’un plus grand exemple, car la loi humaine peut être trompée ou éludée, mais non le fait… Cela dit, je ne reproche pas à M. Zola, pour le citer, son apparente indifférence à l’égard du bien et du mal, mais peignant le mal, d’oublier de faire la part du bien. Si les sociétés subsistent et progressent, c’est par une action, si faible soit-elle, de l’intelligence et de la bonté ; cette action, il convient de la réserver. Balzac, que nos nouveaux venus proclament leur maître, ne laissait jamais le bien tout à fait stérile. Une œuvre vraiment belle en somme est une œuvre saine. Si la morale est sortie de l’expérience, il s’ensuit que l’expérience la démontre, que le caractère moral des effets est un des aspects de la vie humaine ; et celui qui ne le voit pas n’est pas assez profond observateur. C’est seulement affaire de tact et de mesure d’accuser plus ou moins le trait. »

Cette brève notice suffit pour donner du livre de M. Arréat une idée vraie, c’est-à-dire très favorable, Un seul mot pour finir. Parmi les nombreux lecteurs auxquels la Morale dans le drame s’adresse, il faut citer, en première ligne, les rhétoriciens et les philosophes de nos lycées. Elle servira aux premiers de préparation, aux autres de confirmation, par rapport aux graves questions de morale que la philosophie agite. Aux uns et aux autres elle inspirera un plus vif attachement pour l’étude des chefs-d’œuvre qui sont le fondement de l’instruction littéraire.

Bernard Perez.

Dr Paul von Gizycki. — (Einleitende Bemerkungen zu einer untersuchung über den Wert der Naturphilosophie des Epikur), Berlin 1584. Remarques préliminaires pour un examen de la valeur de la philosophie naturelle d’Épicure.

L’auteur prend pour épigraphe deux lignes de l’histoire de la philosophie de G. H. Lewes (II, p. 587) : « Nous ne sommes pas obligés d’accepter les erreurs d’un grand esprit parce qu’il est un grand esprit ; mais devons-nous oublier que nous nous trouvons en présence d’un grand esprit lorsque nous rejetons ses erreurs ? »

Il ne se propose ni de donner une introduction complète à une étude de la physique d’Épicure, ni de juger ce que vaut cette physique, mais