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tion, pour ainsi dire, par l’organisme ; cependant on est plus frappé en général, et plus touché par certains cas particuliers où les faits varient d’un organisme à l’autre, et où le phénomène organique ne se produit qu’après un retard, une hésitation, une délibération. C’est là un phénomène très marqué dans l’activité motrice, assez marqué encore dans l’activité intellectuelle, moins marqué dans l’activité des sens. Aussi est-ce surtout cette dernière activité que l’on soustrairait au contrôle de la volonté, tandis qu’on l’accepte assez volontiers pour une partie de l’activité intellectuelle, et qu’on la réclame pour la presque totalité de l’activité motrice. Il est facile de voir pourtant que nos perceptions ne s’imposent pas toujours à nous sans lutte, et que si, dans la plupart des cas, elles sont acceptées d’emblée, elles ne le sont quelquefois qu’après délibération. Le fait se produit, par exemple, quand nous regardons un objet éloigné dont nous ne distinguons pas encore bien la forme. Quelquefois, en ce cas, l’état fort qui est choisi par l’organisme est une illusion ; il se produit aussi quand nous voyons une personne ou un objet que nous croyons avoir de bonnes raisons de ne pas rencontrer. On voit combien ces cas sont identiques avec ceux où nous acceptons définitivement une croyance comme vraie, ou un acte comine devant être réalisé. Le processus est le même partout. Si l’on identifie les deux derniers, il faut aussi identifier le premier avec les deux autres.

Resterait à examiner ce qu’on appelle le fiat, qui se produit dans l’acte de volonté. Je crains qu’on n’obscurcisse un peu la question, et qu’on ne rende ce fiat un peu trop mystérieux. Il est vrai que l’examen de cette question se rattache à un point très peu étudié et mal connu de la psychologie, au rôle et à la nature des représentations symboliques faibles. Je ne puis aborder ici la question dans sa généralité, et je me bornerai à quelques brèves indications. Les impressions vives, où mieux les impressions quelconques, les idées générales comme les autres, ne sont pas seulement susceptibles d’être remplacées par des mots, comme le veut une théorie admise par plusieurs philosophes. Elles peuvent admettre pour substituts des restes de sensations internes qu’il est difficile de définir, mais qu’on peut assez facilement observer. Quand je pense à l’espèce cheval, sans penser au mot, mon état psychologique n’est pas le même que lorsque je pense, par exemple, au livre en général. Nous avons ainsi en nous une quantité de sensations cérébrales, substituts dont nous connaissons parfaitement la signification. Ceci va servir à éclaircir la question du fiat et, par la même occasion, celle des rapports de la croyance et de l’idée, de la représentation et de la volonté.