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M. Brochard et l’école criticiste rejettent complètement l’idée de Spencer et de Hume adoptée en France pur M. Taine, d’après laquelle l’idée, la représentation accompagnent naturellement la croyance. Nous pouvons déjà trouver de certains rapports entre la croyance et la volonté. En effet, de même que pour la volonté quand il y a délibération, plusieurs motifs se présentent à l’esprit, plusieurs sentiments tendent à déterminer des actes différents les idées, les passions interviennent, et la lutte continue jusqu’à ce qu’un des éléments ou que plusieurs éléments convergents, l’’emportent et déterminent un acte ; de même pour la croyance quand il y a doute, plusieurs représentations, plusieurs idées concourent pour subsister, s’imposer à l’esprit et s’associer aux idées déjà existantes ; dans ce cas comme dans le premier, il arrive souvent, au bout d’un temps plus ou moins long, qu’une des idées finit par s’imposer ou par être choisie, ce qui, au point de vue déterministe revient au même, le résultat étant toujours déterminé par la nature des impressions d’une part et de l’organisme de l’autre, et par faire partie de nos croyances.

Des deux côtés le processus est le même et les éléments se correspondent parfaitement. Nous avons : 1o  la présentation de certains élément qui tendent à déterminer un état définitif de l’esprit ; 2o  la lutte ; 3o  le choix exercé par l’organisme. On voit que nous sommes en ceci de l’avis des criticistes et des spiritualistes que la croyance est autre chose que la force d’une idée ou d’une impression. Dire que la croyance est une idée qui s’impose avec force équivaudrait à dire que la volition est un sentiment violent. Il est plus juste, plus exact de dire que la représentation tend à déterminer la croyance comme elle tend à déterminer l’acte ; plus la représentation aura d’intensité, plus le sentiment aura de vivacité, plus tous les deux tendront à déterminer soit une croyance, soit un acte, car un sentiment peut déterminer une croyance, de même qu’une sensation ou une idée peuvent déterminer un mouvement, mis il faut bien distinguer les choses et ne pas confondre la force, l’intensité d’un état psychique avec la croyance ou le mouvement qu’elle détermine.

Il serait temps d’examiner ce qu’est en général la volonté au point de vue où nous nous plaçons. Nous avons vu que la volonté semblait devenir une sorte de fonction générale consistant dans le choix exercé par un être parmi ses représentations, soit en vue de la croyance, soit en vue de l’action. Comment faut-il interpréter ce fait ? Remarquons d’abord que pour ne pas nous embarrasser de questions qui ne se rapportent pas directement au sujet, nous n’aborderons pas ici la discussion du libre arbitre, pas plus que ne l’a fait M. Brochard. Nous arrivons évidemment à nous représenter la volonté