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CH. RICHET. — la suggestion mentale

Or, sur ce total de 208 tirages, le chiffre des succès probables est 208 X soit 52 succès.

J’ai eu, par le fait du hasard, 50 succès. On voit à quel point ce chiffre se rapproche de celui qu’indique le calcul des probabilités 52.

Que l’on répète cette simple expérience, et on sera étonné de la précision avec laquelle on arrive tout près du chiffre probable, précision d’autant plus grande que le nombre des expériences sera plus considérable[1].

Voici donc un premier point acquis, c’est qu’expérimentalement le calcul des probabilités est aussi vrai que théoriquement ; à savoir que, dès que l’expérience porte sur un suffisant nombre de chiffres, le calcul des probabilités se vérifie à peu de chose près.

Je sais bien que rien ne démontre d’une manière rigoureuse qu’il en sera toujours ainsi. En effet il aurait pu se faire que sur ces quatre expériences j’eusse réussi 52 fois dans chaque série : mais c’est lè une invraisemblance extrême ; et dont le calcul peut apprécier l’invraisemblance.

Je n’entrerai pas, pour le moment, dans cette démonstration. Qu’il me suffise d’avoir établi que, choisissant au hasard 208 cartes, je dis bien 50 fois, alors que j’eusse dû dire bien 52 fois. Autrement dit, le hasard m’a donné, à un très petit écart près, le nombre qui était probable[2].

Qu’on le remarque bien ; je n’ai en aucune manière la certitude mathématique que je n’aurai jamais 208 succès sur 208 tirages. Au contraire, il est mathématiquement certain que cette combinaison peut exister. Mais elle est tellement improbable qu’on a presque la certitude morale qu’elle n’aura pas lieu.

Si je fais 208 tirages en désignant au hasard la valeur de chaque carte ; la probabilité de chaque succès étant de le nombre pro-

  1. Ce théorème est connu sous le nom de théorème de Bernoulli. L’illustre mathématicien l’a formulé ainsi. Soit la probabilité d’un évènement simple  ; a le nombre de fois qu’il se présente dans une série de s épreuves ; la probabilité que la différence entre et sera inférieure en valeur absolue à  ; on peut toujours prendre assez grand pour que diffère de l’unité d’aussi peu que l’on voudra.

    Laplace et Poisson ont perfectionné la démonstration et la formule de ce théorème. (Voy. Gouraud. Histoire du calcul des probabilités. Th. de la fac. des Lettres de Paris, 1848.)

  2. Voy. Laurent, Traité du calcul des probabilités, p. 13. — En réalité tous les jeux de cartes sont fondés sur ce principe.