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à la suite, et sans interruption, les quatre essais qu’il donne relatifs à des questions pédagogiques. On aurait eu, de la sorte, après deux chapitres complémentaires de sa Logique, quatre chapitres se rattachant à la Science de l’Éducation. Lui-même fait remarquer que l’essai intitulé « l’art de l’Étude » répare en quelque sorte une omission et comble une lacune de cet ouvrage. Il y a un rapport évident entre cette dissertation sur les moyens de faire notre éducation nous-mêmes par les livres, et celles qui traitent « Des examens et concours ouvrant les carrières civiles » ; « De l’état actuel de la controverse relative aux études classiques » ; « Du but idéal des universités dans le passé et dans le présent ». Un peu autre est l’intérêt du discours sur « La Métaphysique et les Sociétés de discussion », dans lequel l’auteur montre que, de toutes les parties de la philosophie, la métaphysique est celle où la discussion est le plus inutile et la polémique le plus à éviter. On s’étonne donc de voir ce sujet intercalé entre les précédents ; il n’a guère d’autres rapports avec l’éducation, que d’avoir été traité par l’auteur devant la Société philosophique de l’université d’Edinburgh. Comme la portée en est toute générale, il eût pu faire la transition vers les deux derniers essais, consacrés à ces grandes questions sociales et politiques : « Du serment religieux et des déclarations de foi », « De la procédure des corps délibérants ».

Peu importe, après tout ; il faut prendre ces essais pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire pour des études séparées. Chacun à son intérêt très franc, la plupart méritent d’être médités. Il ne peut être ici question ni de les discuter, ni d’en faire une sèche analyse : ils valent surtout par le détail. Comme logicien, comme pédagogue, comme psychologue et moraliste, M. Bain, on le sait, vise en tout à la précision, dédaigneux des généralités vagues. C’est plaisir de le voir aux prises avec les lieux communs, oratoires ou autres, avec les prétendus axiomes, qu logiquement ne soutiennent pas l’examen. Les deux premiers essais, le second surtout, rappellent à cet égard certaines pages célèbres de J. Stuart Mill sur les sophismes. Il y a là, par exemple, à propos des banalités d’usage sur la dignité prétendue égale de tout travail, un bon échantillon de ce que peuvent, pour corriger les erreurs courantes et donner plus de sûreté aux esprits, de fortes habitudes d’analyse, tempérées par un bon sens également ennemi des préjugés et des subtilités inutiles. Quoi que l’on pense de ces dispositions mentales au point de vue de la haute spéculation, il est impossible de le nier, elles conviennent éminemment à la pratique. Aussi le présent ouvrage de M. Bain souligne-t-il très heureusement, selon nous, par son titre même, aussi bien trouvé qu’il est simple, ce qui fait à nos yeux le caractère propre et fera toujours la valeur principale de ses écrits. Peu de philosophes ont autant fait que lui pour montrer que la philosophie est susceptible de servir à quelque chose. Quiconque, plein de cette conviction, et ne se flattant pas, pour son compte, de trouver grand’chose de nouveau dans le champ de la théorie, se donne pour tâche d’appliquer à la pra-