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toujours, sinon en fait, du moins en idée, en former deux autres de fixités différentes.

Ici se termine la première partie de mon étude.

Je suis parti des idées ordinaires que l’on se fait sur la vie et sur la mort ces deux termes sont corrélatifs et l’un ne peut s’expliquer sans l’autre.

J’ai montré qu’ils sont employés tous deux dans deux sens différents, un sens général et un sens spécial, suivant qu’ils s’appliquent à toute espèce de matière susceptible de changer, ou à ces unités phénoménales et temporaires qu’on nomme individus.

Pris dans le premier sens, leur opposition est purement relative ; ils sont opposés comme le plus et le moins. Nous disons d’un cadavre récent qu’il est mort ; mais si nous le comparons à ce qu’il deviendra bientôt, nous jugerons qu’il est vivant. Les produits de la putréfaction sont morts comparativement à la matière cadavérique qui se décompose ; et, poussant toujours plus loin la distinction, nous les qualifierons néanmoins d’organiques, tant qu’ils n’ont pas atteint un autre état plus inerte encore que nous nommons inorganique. Entre le vivant et l’organique il n’y a qu’une différence de degré et non une différence de nature.

Mais l’organisé se transforme de lui-même en inorganique, et cela en vertu du principe absolu de la fixation de la force, ou de la tendance à la réalisation de l’équilibre universel ; le vivant se fait mort sans relâche. Et cependant nous assistons tous les jours au spectacle de la revivification du mort. Comment, par quel procédé, en suite de quelles lois, cette reconstitution peut-elle avoir lieu ? c’est le problème que j’ai tâché d’élucider et de résoudre. J’ai fait voir que, nonobstant la loi inexorable de la précipitation incessante de l’instable en stable, cette tendance même peut servir à reconstituer de l’instable au moyen du stable. C’est là tout le mystère de la nutrition.

Il me reste maintenant à aborder la question de la mort des individus, ainsi que celle de la transmission de la vie, qui s’y rattache étroitement.

Ce sera l’objet des prochains articles.

J. Delbœuf.