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notices bibliographiques

Terminons en signalant au lecteur, ce que je me permettrai d’appeler un sermon sur les morts, et où M. Bouillier venge les morts de nos injustices. En effet nous leur reprochons de s’être laissé mourir. Nous les traitons comme « des homicides par imprudence sur leur propre personne ». Nous les accusons d’avoir appelé la mort ou du moins de l’avoir provoquée par des étourderies sans nom, ou des fautes d’hygiène qu’un enfant aurait eu l’instinct d’éviter. Donc paix aux morts, n’est-ce pas ?… Toutefois, en ce monde où il faut faire profit de tout, peut-être serait-il imprudent de laisser partir son semblable sans rechercher pourquoi et comment il est mort. N’en veuillons pas à nos voisins d’une imprudence involontaire ou d’une infirmité transmise par héritage, épargnons aux morts un interrogatoire inutile et peu charitable. Mais n’épargnons pas aux médecins des interrogations quelquefois indiscrètes, le plus souvent salutaires. Le mal qui doit nous tuer couve peut-être depuis notre première jeunesse, et contrairement à la vieille chanson de M. de la Palisse nous commençons de mourir longtemps avant de n’être plus en vie. Voilà ce que l’on entend dire, quand on vit au milieu de médecins. Et voilà ce qui fait que nous question-nous sans relâche et sur les maladies des autres, et sur nos propres maux. Nous croyons, qu’avec de bonnes règles d’hygiène nous ralentirons ie pas de la mort : Que lui importera de venir plus tard, s’il lui est assuré de venir ?

M. Bouillier est souvent pour les faiblesses humaines d’une rigueur inflexible. À s’en plaindre on aurait peut-être mauvaise grâce. S’il exige beaucoup de l’homme c’est qu’il attend beaucoup de lui, c’est qu’il place très haut le degré d’amélioration morale dont il voudrait que l’homme allât se rapprochant, c’est qu’il croit fermement en la vieille devise : vouloir c’est pouvoir. On sourit quelquefois de cette illusion, c’est pourtant l’illusion des forts.

Lionel Dauriac.

Dr Bernheim. — De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille. 1 vol.  in-8o, 108 p., Paris, O. Doin, 1884.

Malgré l’importance des faits étudiés par le savant professeur de la Faculté de médecine de Nancy, et malgré l’attention que ce livre a légitimement excitée, il n’en sera présenté ici qu’un compte-rendu sommaire, la Revue se proposant de publier prochainement une étude critique générale sur les phénomènes de suggestion.

Le grand intérêt de ce nouveau travail sur le somnambulisme provoqué réside en effet dans l’exposé précis et détaillé de nombreux cas de suggestion. Sans doute on a étudié avant M. Bernheim la suggestion dans l’état hypnotique ; et même, dans une communication présentée en 1881 à la société de biologie, M. Ch. Richet rapportait déjà un fait de suggestion dans l’état de veille. Mais le mémoire de M. Bernheim a le