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en cet ouvrage, des phénomènes psychiques élémentaires. Je ne peux pourtant me défendre, et j’en demande pardon à l’honorable professeur de l’Université de Leipzig, de comparer les essais de ce genre au problème qui consiste à demander combien de manières il y a de placer cinq personnes à table. La manière n’importe point, si ce n’est pour des convenances variables, et selon que la dame de la maison occupera le haut bout ou le milieu de la table, ou que le principal invité sera assis à sa droite ou à sa gauche.

Les expériences vulgaires d’où résulte la notion de matière ont été mises en doute après coup. On connaît, là-dessus, la doctrine des purs idéalistes et celle de Kant. L’auteur, autant que je peux l’entendre, réduit nos sensations et perceptions à des formes représentatives internes, et d’ailleurs des influences externes détermineraient la forme de la représentation pour chaque cas particulier. Ainsi les formes d’étendue, dans le monde de la sensation et de la perception, devraient être considérées comme correspondantes à certains rapports causals existant entre nous et les existences qui sont hors de nous, existences qui sont en soi immatérielles, inétendues. Étendue, résistance, mouvement ne sont que des événements psychiques, et le réel est immatériel. Le physicien conçoit-il autrement les forces dont il parle ? Mais ne doutons pas qu’il y ait une réalité agissante dans les choses et en nous mêmes. Tout ce qui arrive se distribue, en définitive, en deux domaines : l’un, avec ce qui arrive dans les parties constitutives du monde, vivant chacune à sa manière ; l’autre, avec ce qui arrive à un spectateur mis en rapport avec d’autres existences, et qui s’exprime sons les formes du temps et de l’espace. Il n’y a pas de matière au sens des matérialistes, et la fin théorique de toute science est de reconnaître, dans les phénomènes de relation qui s’offrent à nous sous les conditions de l’espace et du temps, le contenu du monde comme une suite de causes spirituelles.

De même que le chimiste assigne tel groupe de phénomènes à la présence de l’oxygène, le psychologue ne peut refuser l’existence de l’âme, et il nous faut un sujet pour soutenir les événements psychiques, La-dessus, l’auteur pense comme Herbart, avec qui il est familier. Le mécanisme psychique a ses lois, il est la base d’action des causalités libres. Il y aura autant de ces causalités qu’on aura reconnu de « valeurs » distinctes dans le contenu de l’acte naturel. M. Strümpell en trouve cinq : la causalité de la vie sentimentale de l’âme, la causalité logique, la causalité esthétique, la causalité morale, la causalité du libre vouloir. Voyons, très brièvement, comment il passe du mécanisme psychique à ces causalités, qui remplacent les anciennes facultés.

Le bien et le mal, dit-il, sont le résultat d’actions soumises à un mécanisme ; mais l’âme acquiert pour la première fois, dans le sentiment du bien-être et du mal-être, un témoignage d’elle-même ; quelque chose est, qui signifie pour elle, et son action originale commence.

Nos représentations se trouvent entre elles en des rapports sur les-