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delbœuf. — origine de la vie et de la mort

lécules, on peut toujours parvenir à les séparer. Le carbone est fortement uni à l’oxygène dans l’anhydrique carbonique, mais il y a pourtant moyen de l’en séparer. Pour cela il suffit d’y mettre la peine. Il ne s’agit après tout que de produire assez de chaleur, la chaleur ayant la propriété de détacher les atomes les mieux accrochés. En soumettant l’anhydride carbonique à une chaleur suffisamment grande, il se décomposera. Seulement, pour obtenir cette chaleur, il faudra en fin de compte, brûler beaucoup de charbon, c’est-à-dire former des quantités considérables d’anhydride carbonique, beaucoup plus considérables que celle qu’on parviendra à décomposer.

Nous avons vu comment les plantes parviennent à réduire l’anhydride carbonique. La chlorophylle a la propriété d’accaparer les rayons solaires, dont l’éclat même n’est que de la chaleur transformée. Quand elle en est saturée, son avidité pour le carbone est des plus marquées et elle va jusqu’à le ravir à l’oxygène. Par parenthèse, on conçoit que la chlorophylle, cette substance si éminemment instable, se refuse à se laisser fixer par les chimistes. La chlorophylle fixée est presque une contradiction en fait.

Voilà cependant le carbone dans la plante, et il y est revêtu d’une part d’instabilité ravie au soleil par la chlorophylle. Étant tel, il va de nouveau se diviser en deux parts : une part plus instable encore qui va entrer dans la composition de la fécule, de la graisse, de l’albumine, et une part plus stable qui va se déposer dans certains tissus ligneux, pour y subsister sans altération tant que la plante vivra. Par conséquent le bois, en lequel nous voyons de l’instabilité puisqu’il est avide d’oxygène, est, relativement à la fécule, un produit des plus stables, ce que prouve d’ailleurs sa longue résistance aux agents de destruction.

Réciproquement, les substances les plus instables sont stables à certains égards, et, si disposées qu’elles soient à se désagréger, toujours est-il qu’il faut un certain effort pour les y amener. De là vient qu’il n’y a peut-être pour aucun animal d’aliment absolument parfait, fût-ce sa propre chair.

Enfin, les résidus excrémentitiels de certains organismes servent d’aliments à d’autres. Il y a des animaux qui ne vivent que de chair corrompue ou de fumier. Bien que la putréfaction ait pour résultat final et total une plus grande somme de stabilité, il faut croire que cette somme se répartit inégalement, et que la chaleur produite par certaines précipitations dans une partie de la chair, sert à former des unions forcées dans une autre partie. Car, ne craignons pas de le répéter, les substances les plus stables peuvent