Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
583
ANALYSES.kussmaul. Les troubles de la parole.

plus aussi le juge comptera avec la possibilité d’anomalie cérébrale, qu’il ne connaîtra, comme c’est d’ailleurs aujourd’hui le cas pour la Moral insanity, que par le dire des médecins ! Le juge doit donc poser au médecin la question de savoir s’il peut y avoir une vicieuse anomalie anatomique du cerveau, ou une fonction maladive. Quelle sera la réponse du médecin ? M. Stricker la résume en ce qui suit

Le malfaiteur agit d’une manière systématique et d’après un plan qu’il réalise ou modifie dans ses détails, pas à pas, jusqu’à ce qu’il ait atteint son but ou qu’il en soit séparé par des limites qu’il ne peut franchir.

Le coupable par fonction anormale du cerveau, peut commettre certaines actions avec beaucoup de raffinement et de ruse, mais il n’agit pas avec conséquence, d’après un plan. Le vrai malfaiteur agit, même s’il a le crâne anormal, en conséquence de l’ordre de ses représentations. Il a peut-être des représentations des devoirs moraux, car il simule aussi longtemps que possible une conduite morale, mais elles ne dominent pas en lui. Il a la faculté d’en rester énergiquement et avec persévérance à la série de complexités, c’est-à-dire au plan qu’il a formé. Si le malade fait même un plan, il ne s’y tiendra pas. Sitôt qu’il aura conçu un rudiment de plan, des représentions tout à fait hétérogènes se présenteront à lui ; il ne peut poursuivre son plan avec persévérance et ne peut le corriger selon les obstacles. J’ajouterai que le vrai coupable agit plus ou moins en homme d’affaire et se demande si la chance de réussir vaut le risque d’être pris, tandis que le coupable par fonction maladive du cerveau, conçoit des projets mais non des plans arrêtés.

M. Stricker se résume ainsi à la fin de son ouvrage La moral insanity ne forme parfois qu’une seule phase dans le cours d’une maladie. Là où elle est stable, on peut aussi faire quelquefois des constatations objectives de la maladie. Là où il y a moral insanity le médecin peut étendre son bras protecteur vers le coupable, mais où tel n’est pas le cas, il faut qu’il proteste hautement contre la supposition d’une anomalie anatomique de l’organe de la pensée qui excuserait tout crime ou délit. Même si l’on en découvrait postérieurement, il n’importe, car, à en croire la science, anomalie ne signifie pas nécessairement anomalie maladive.

Eugène Schwiedland.
Vienne (Autriche).

Kussmaul. Les Troubles de la prole, trad. française augmentée de notes par le Dr A. Rueff, In-8o, Paris, J. B. Baillière et fils, 1884 (xv-375 pages)

Cet ouvrage d’un si grand intérêt pour les psychologues, a été publié à l’origine dans un recueil où ils ne se seraient guère avisés de le cher-