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Mais le droit peut aussi se former par voie autoritaire. L’amalgame du droit de la population avec les lois de la force, de l’autorité, s’effectue d’autant plus rapidement que le droit de la population es devenu lui-même l’objet de la foi, de l’autorité.

Avec les progrès de la civilisation apparaissent les juristes, tandis que l’organisation politique, qui se consolide toujours plus, fait de mieux en mieux apparaître le droit comme l’expression de la volonté commune, homogène, organisée, et sa défense comme l’affaire de l’état (Staatsgewalt).

III. — Passons maintenant à la dernière partie de La physiologie du droit, ayant pour titre : Punition et excuse.

Pourquoi les hommes ont-ils recours aux punitions ? se demande l’auteur. Si une mère bat son enfant, on peut dire que c’est : 1o parce que l’enfant l’a excitée, ou bien : 2o qu’elle a vu qu’il était impossible de vivre en paix sans punir quelquefois ses enfants, ou bien : 3o elle le bat par amour, en vue de le rendre plus propre à sa future vocation. Dieu est sensé punir où par bienveillance (3e cas), ou par colère (1er cas). L’État moderne ne semble aucunement vouloir punir par colère, abstraction faite de la peine de mort. On appuie aussi sur le 3e cas le désir de corriger les malfaiteurs. Il est clair que l’État punit et corrige le coupable pour protéger la société, en le rendant incapable de nuire, en constituant des exemples propres à effrayer les autres, enfin en corrigeant les mauvais sujets (2e cas). Pour effrayer ceux qui voudraient commettre un crime, il est nécessaire que la représentation de la punition que l’association évoque en eux soit assez désagréable pour supprimer l’impulsion volontaire qui allait se produire. Il est dans l’intérêt de la société d’éviter des punitions qui exercent sur le peuple une influence démoralisante. Les gens moraux n’approuveront la punition que quand elle aura pour but de protéger la société.

Est-ce que le prétendu fait d’une mauvaise organisation anatomique du cerveau déduite simplement d’une certaine forme du crâne, est propre à influer sur les motifs de la punition ? Toute excuse peut se fonder sur une fonction maladive du cerveau, ou sur une excitation extraordinaire provenant de l’extérieur. Toute relation sociale, toute confiance mutuelle est dominée par nos représentations de cas normaux. Il est vrai que l’expérience nous apprend qu’un homme normal peut devenir anormal, mais cette idée ne l’emporte pas en nous, quoiqu’elle nous apprenne que toute la confiance que nous avons en quelqu’un dépend de la domination normale de ses représentations. C’est pour cela que nous acceptons comme excuse le fait d’un désordre psychique et que le coupable cherche à atténuer son délit en se plaignant de hasards ou d’excitations funestes. Ne devrait-on donc pas excuser le coupable si son crâne affecte une forme anormale ? Jusqu’à présent ce n’est pas notre habitude de compter, en jugeant les actions des hommes, avec les anomalies du crâne. Mais, dira-t-on, plus la culture avance,