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de représentations qui est ce que nous appelons l’entendement, Mais on pourrait aussi dire que c’est la fonction contrôlante de notre savoir vif qui constitue la fonction que nous nommons entendement ou esprit. Dans ce cas l’esprit serait rattaché au savoir vif, tandis que la raison (Vernunft) dépendrait de l’ordre (Einordnung) du savoir potentiel (p. 48, 49.)

Le mot sentiment désigne, pour M. Stricker (dans le dernier chapitre de la première partie de son ouvrage), l’aperception des états de notre propre corps. Ils constituent une partie de notre savoir vif et différent en intensité et en domination selon les différents organes d’où ils nous parviennent, Les sentiments peuvent osciller d’un point d’indifférence dans deux directions, à savoir, celle de l’agrément et celle du désagrément. Ils sont tous localisés et dépendent du fonctionnement des organes. Les organes peuvent se diviser par rapport à ce fait en deux groupes, selon les nerfs qui nous en donnent connaissance. Ces derniers sont des nerfs sensitifs (qui ont l’unique tâche de nous faire parvenir les sensations) et des nerfs moteurs (qui conduisent les impulsions motrices vers les muscles et nous donnent le sentiment de cette transmission)[1]. L’auteur distingue, outre ce groupe de sentiments corporels, un second groupe de sentiments, les seelische Gefühle. S’il n’y a pas erreur de notre part, nous retrouvons ici la même division que Wundt a établie dans sa Psychologie physiologique (2e édition) en parlant des sentiments intellectuels (Intellectuelle Gefühle), comme de ceux qui accompagnent les représentations, tandis qu’il nomme l’autre groupe celui des sentiments corporels (sinnliche Gefühle), les sensations (Empfindungen) désignant, à ce que dit Wundt avec peu de précision, les éléments de notre Connaissance que nous ne pouvons plus décomposer en éléments plus simples et qui s’unissent toujours aux images (Gebilde) que nous nommons représentations.

Ces sentiments psychiques (seelisch) diffèrent de ceux qui nous viennent de nos organes. L’auteur croit avoir conscience dans chaque cas que ces représentations siègent dans sa tête : il sent même, lorsqu’il se recueille et pense avec des mots, quelque chose à l’endroit où Broca a établi le siège du langage. Nous avons été enclin à croire qu’une pareille localisation ne pouvait exister que chez des personnes qui avaient les notions scientifiques de l’auteur et connaissaient l’existence du centre de Broca, et c’est le fait suivant qui nous a fait admettre l’opinion que M. Manouvrier a dernièrement exposée relativement à la localisation subjective de la fonction de l’esprit, dans cette Revue (mai 1884, p. 504 s.). Nous nous rappelons en étudiant pour la première fois le cerveau et sa physiologie dans un ouvrage : physiologique, qui ne

  1. Comparer relativement à ce sentiment de l’effort musculaire (Innervationsgefühl) : Stricker, Studien ueber die Bewegungsvorstellungen, Vienne, 1882, p. 7-9 ; W. James, The feeling of effort, Boston, 1880 ; Th. Ribot, Les mouvements et leur importance psychologique (Revue philosophique, octobre 1839), et Meynert, Psychiatrie, Vienne, 1884, p. 144.