Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/579

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
575
ANALYSES.stricker. Physiologie des Rechts.

tres mêlés parmi qui sont nuisibles ou superflus, qu’il est presque aussi malaisé de les en séparer que de tirer une Diane ou une Minerve hors d’un bloc de marbre qui n’est point encore ébauché. »

L’auteur arrive à la différence qui existe en allemand entre Vernunft et Verstand et que nous ne pouvons traduire que par raison et entendement.

Pour que nous agissions raisonnablement il faut : 1o que l’action et implicitement la représentation qui y conduit, ait été excitée (angeregt) ; — 2o que cette dernière ait éveillé dans notre savoir potentiel de justes complexités ; — 3o que ces dernières soient de nature telle que Îles parties propres du savoir potentiel s’éveillent à propos, enfin — 4o que les représentations faisant, par suite de ce qui précède, partie du savoir vif, soient assez fortes pour faire suivre l’action.

L’essentiel est que les complexités aient été normalement déposées dans le savoir potentiel (normale Einlagerung) et que les complexités fondamentales se rattachent bien les unes aux autres. Pour avoir du « bon sens » (gesunder Menschenverstand) il n’est pas nécessaire de pétiller d’esprit ; pour agir raisonnablement, il faut avant tout posséder dans son savoir potentiel de justes complexités. Néanmoins, on peut aussi peu identifier la raison avec le savoir actif qu’avec le savoir potentiel, quoiqu’il y ait entre la raison et le premier des rapports très intimes. C’est ce que l’auteur expose comme il suit : Toute explication peut être double : ou bien nous donnons des explications qui se rapportent directement à des objets extérieurs que nous avons, professeurs et élèves, sous les yeux, ou bien elles se rapportent à d’autres objets. Dans le premier cas, nous avons des complexités fondamentales, dans le second nous devons construire comme élèves une nouvelle complexité, d’après ce que nous entendons ou lisons. Dans les deux cas nous comprenons l’explication, si nous nous sommes appropriés, Sur la coexistence et la succession des parties (de l’objet), et, s’il y a des mouvements en jeu, sur leurs rapports, des représentations de nature à nous satisfaire.

Une fonction semblable a lieu si des parties de notre savoir potentiel se réveillent. Alors il peut se faire qu’une complexité qui surgit aujourd’hui en moi ne me satisfait plus, tandis qu’hier je croyais la comprendre. Cela peut provenir de ce qu’une partie de mon système nerveux à mal fonctionné, par suite je ne me rappelle plus des détails que cette partie devait reproduire ; ou bien de ce que certaines parties de la représentation totale sont aujourd’hui plus vives et me font mieux apercevoir la défectuosité du rapport logique.

Si les idées du droit sont donc déposées dans notre savoir potentiel, chacun de leurs fragments qui passe dans le savoir vif, n’en est pas moins contrôlé par l’entendement. Si la faculté de comprendre est une fonction de l’entendement (Verstand), on pourrait dire que c’est la fonction psychique par laquelle nous avons connaissance d’une complexité