Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 18.djvu/577

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
573
ANALYSES.stricker. Physiologie des Rechts.

vif telle que je l’ai déposée autrefois dans mon savoir potentiel, je penserai logiquement. Si je veux traduire mes représentations qui répondent aux choses du monde extérieur en mots, il faut que je décompose mes complexités. La personne à qui je parle doit les reconstruire. Si a nouvelle complexité, qui résulte pour elle, répond à l’ordre de ses expériences, elle me trouvera raisonnable et logique, si non, elle me trouvera illogique. Remarquons qu’il peut arriver qu’on découvre qu’une opinion ou qu’une action qui a été considérée comme raisonnable et logique, re le soit pourtant pas. « Le dernier critérium de la justesse de nos représentations déposées (de notre « emmagasinement de souvenirs liés au présent » et de la logique de nos actions est fourni, en tant qu’elles se rapportent à des circonstances du monde extérieur par leur conformité avec ces dernières. » L’auteur aurait pu émettre ici une idée qui nous paraît être à sa place : à savoir que s’il règne dans l’univers une régularité sévère, c’est que le darwinisme est applicable à toutes ses parties, d’où il suit que toute chose a la forme et occupe la place qu’elle doit avoir et occuper en conséquence de sa nature, que l’ordre actuel du monde ressort de l’évolution éternelle comme nécessité[1]).

Comme les idées sur la volonté morale (sittlicher Wille) occupent une grande place dans la philosophie du droit, M. Stricker aborde la question du libre arbitre. Il dit en somme : si ma prétendue libre volonté n’a aucune influence sur mes représentations associées ou apparemment non associées, si sans représentation préalable un mouvement volontaire est impossible (comme c’est en effet le cas), l’absurdité de l’affirmation d’une pareille volonté sera démontrée (p. 20). C’est ainsi que M. Stricker tranche cette question qui, certes, ne peut être résolue autrement.

Si, poursuit l’auteur, notre conscience ne nous apprend rien de l’excitation des nerfs que la fonction par laquelle est évoqué ce que nous nommons représentation et volonté, et si la contraction musculaire ou action suit cet acte, il est bien compréhensible que nous prenions cette représentation pour la cause de l’action.

Les représentations et implicitement les actions qui s’y rattachent peuvent être provoquées de trois manières : 1o par une excitation extérieure (äusserer Reiz) parvenant du dehors à l’écorce cérébrale ; — 2o par des excitations intérieures, quand une représentation en éveille une autre, ou — 3o par le chimisme intérieur. Ces trois formes peuvent se combiner de maintes manières. À cela ajoutons qu’il y a des différences individuelles, en tant qu’il y a des hommes qui sont capables de dominer les représentations éveillées par suite d’excitations extérieures, par des pensées connexes. D’autres, et ce seront des natures psychopatholo-

  1. Si la mémoire ne nous fait pas défaut, Schopenhauer et le baron Du Prel ont déjà plus ou moins exprimé des idées semblables, V. Dr Carl Freiherr von Du Prel, Entwicklunysgeschichte des Weltalls, 3e éd, 1882, et Die Planetenbewohner und die Nebularhypothese, 1880.)