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ANALYSES.stricker. Physiologie des Rechts.

Les mots ne sont pour nous que des signes. Pour que nous les comprenions il faut en connaître la signification, c’est-à-dire qu’il faut avoir des représentations qui soient reliées à ces signes. Cette liaison qu’on. pourrait appeler association, mais non dans le sens habituel du mot, peut être double. Nous pouvons rattacher à un mot la représentation d’un certain objet (la liaison peut exister entre le mot d’un côté et tout ce que nous avons jamais ressenti, vu ou entendu ou touché, etc., de l’autre) — liaison simple, — ou bien il se peut qu’en nous formant une idée, par exemple en lisant le mot : cheval, nous éprouvions la concurrence (Wettstreit) des images des différents chevaux que nous avons vus et qui sont restés dans notre mémoire — association multiple. — Ces liaisons entre les mots et les images des objets se trouvent dans notre savoir potentiel de la manière suivant laquelle nous les avons formées et déposées. M. Stricker nomme ces représentations liées aux mots complexités, et certaines représentations formant un tout complexités fondamentales (Grundcomplexe). Prenons un exemple. Si quelqu’un me raconte qu’un monsieur qui avait très bonne mine et qui était très bien vêtu lui a demandé, il y a un moment, l’aumône dans la rue — celui qui me raconte cela a devant lui la complexité fondamentale du mendiant élégant ou de toute la scène, tandis que moi, je dois, en l’’écoutant, me former la complexité, en la construisant pour ainsi dire, des images que ses paroles éveillent en moi.

Lé lecteur le voit : les idées du droit sont des associations multiples. Le mot « droit » évoque en nous des complexités fondamentales que nous avons construites (comme dans le cas précédent) et les fait passer par la lutte (Wettstreit) dans le savoir actif. Ces associations jouent un rôle très important dans notre conscience, elles forment la base de nos idées logiques, la base du travail de notre raison, et il nous faut considérer que les différents individus doivent en général (p. 7), s’approprier du même objet des complexités fondamentales analogues, que la totalité de ces complexités doit être analogue sous beaucoup de rapports, sinon sous tous, chez les personnes qui appartiennent à la même classe de la société, qui habitent un territoire commun et qui sont en relations entre elles.

Voyons ce que l’auteur dit à ce sujet. Nous accumulons en nous la représentation d’un objet, d’un cheval liée, associée à la représentation de son nom, « cheval ». Si l’une de ces relations que nous possédons dans notre savoir potentiel surgit dans notre savoir vif, l’autre s’y rattache. C’est à cette association que nous devons de savoir le nom d’un objet aussitôt que nous l’apercevons. Nous n’avons pas ici, bien entendu, affaire à un syllogisme mais simplement à une liaison (association comme plus haut) psychique. Il en est de même si une partie d’une complexité me fait apparaître toute la complexité. On ne peut prétendre que ce soit par un syllogisme inconscient que nous sommes à même de dire, aussitôt que nous voyons un objet connu, son