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revue générale. — b. perez. Les théories de l’éducation.

doit être ni optimiste ni pessimiste, en pédagogie. Il ne faut pas avoir l’illusion de croire que l’art peut tout, ou qu’il ne peut rien[1].

Du même groupe de sciences d’où sort le principe pédagogique, émerge aussi le principe formel de l’œuvre éducative. « Il imprime un caractère scientifique aux méthodes d’enseignement pour tout ce que ces méthodes ont ou peuvent avoir entre elles de commun. L’éducation doit être scientifique dans sa forme comme dans son contenu. Il faudra étudier le sujet sous tous les aspects de son activité, dans toutes ses manifestations en même temps. L’œuvre éducative devra être un développement organique, une évolution complexe. L’éducation physique, intellectuelle et morale, devra être dirigée d’après les lois de sa nature étudiées dans les quatre ordres de sciences énumérées plus haut. Elle devra surtout, dans les limites fixées par l’âge, le sexe, le tempérament, les dispositions, le développement de l’individu, recourir à la forme réfléchie de l’attention, à la sélection bien entendue des habitudes, surtout à la force essentiellement relative de l’autodidaxie. M. Siciliani montre toutes les modifications qui lui sont imposées par les exigences extérieures ou intérieures. Il fait voir qu’elle doit être, non pas naturelle, ce qui dit trop ou trop peu, ni négative, ce qui supprime l’œuvre légitime du maître, de la famille, de la société : elle doit être rationnelle et positive. Laisser faire et faire faire, cette maxime exprime la liberté vraie, la liberté limitée par la raison,

Il est nécessaire de s’entendre sur la nature et les limites de l’éducation, avant de déterminer la fin de l’éducation. M. Siciliani examine à ce propos, ce que Stuart Mill, Marion, Bouillier, Buckle, pensent de l’éducation morale en elle-même et de ses lents progrès dans l’humanité. Cet examen amène l’auteur à s’expliquer sur la psychologie du caractère moral, un des plus pressants desiderata de l’art pédagogique. Il critique la théorie des biologistes et des métaphysiciens, l’éthologie des héréditistes et des kantistes, celle de Bain et de Stuart Mill. Sa conclusion est qu’une science exacte du caractère moral et de l’éducation du caractère n’existe pas. Il se borne, par conséquent, à montrer quel grand office peut exercer l’idée du caractère moral dans l’œuvre de l’éducation publique et privée. Le principe final doit être clair, positif, acceptable pour tous. Nous ne trouvons pas ces trois caractères dans l’idée du bien en soi, de l’utile, du bonheur, de la perfection. Ni systématique, ni métaphysique, ni religieuse[2], ni politique, la fin de l’éducation doit avoir un caractère psychique et social. Le caractère moral parait seul satisfaire à toutes les conditions nécessaires de cette fin. « Le caractère moral est certainement une qualité personnelle, subjective, individuelle ; mais le sujet peut lui donner une valeur objective. »

  1. P. 247.
  2. C’est une mode bien vieille, et toujours vivace, en Italie comme en France, d’exagérer, par rapport à la morale, la valeur historique, et surtout la valeur actuelle des religions. Cette préoccupation fait tort au mérite réel des Saggi di pedagogia de M. d’Alfonso (Paravia 1883), où l’hégélianisme et le christianisme sont beaucoup trop favorablement appréciés. On trouve pourtant, dans