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données au tout ; dans les secondes, autonomie et solidarité des parties coordonnées au tout. La morale sociale renferme en elle-même, comme auto-conscience, le germe du droit et du devoir. « Cette même dualité d’ordre pratique qui a ses racines dans l’individu, se développe et s’affirme dans la vie de l’agrégat social, et en se dédoublant, sous forme de pouvoir politique et de pouvoir religieux, devient l’église et l’État. Ce sont là les deux formes concrètes et protectrices de la liberté morale et de la liberté juridique. La morale et le droit, ces deux branches de la sociologie, qui étudient l’homme dans sa conduite et dans ses rapports avec son groupe naturel, vont donc s’ajouter au sciences qui nous apprennent à connaître l’homme considéré comme sujet d’éducation.

II. — Il s’agit maintenant, à l’aide des sciences morphologiques, psychologiques et éthiques, de découvrir la possibilité du procédé déductif en pédagogie, d’établir quelle peut être l’idée mère qui, assumant le caractère de cause efficiente, prenne encore celui de cause finale, et fournisse une base à l’autodidaxie, en un mot, donne naissance à la théorie scientifique de l’éducation[1]. » :

Comme l’a dit M. Guyau, « les tendances inférieures ne constituent pas la véritable essence des êtres ; pour la chercher, il faut analyser les tendances les plus élevées[2]. » Or, la tendance la plus élevé de l’homme, c’est la raison organisée, la raison entendue comme faculté des fins. Le sujet de l’art éducatif n’est pas, en réalité, un sujet absolument libre, comme le voudraient les spiritualistes, ni surtout un sujet absolument dépourvu d’activité propre, comme le voudraient certains déterministes. La volonté peut, par l’exercice, l’effort croissant, l’habitude, fortifier le motif le plus faible : la liberté morale est donc possible. L’homme est un être capable de liberté, qui peut être fait, qui peut se faire libre. L’auteur établit par suite que la notion de la personnalité peut et doit être le principe considéré comme cause efficiente en éducation. C’est là, dit-il, un principe, clair, immédiat, regardant l’individu sous le double point de vue individuel et social : motif de l’œuvre éducative, nous le « trouvons dans l’individu même, dans la nature humaine considérée non seulement dans le processus de l’histoire et de la civilisation, mais aussi dans les besoins, dans la nécessité et dans l’idéalité de la conscience réfléchie[3]. » Ainsi, l’éducation, « gouvernée par la raison, s’appuyant sur les critères de la science, pourra modifier les sentiments individuels, les instincts, les survivances héréditaires, grouper et bien diriger les émotions et les passions ; elle pourra jusqu’à un certain point régénérer la nature même, créer une seconde nature au moyen de l’activité autonome de la raison[4]. » De plus, étant donnée la nature de la volonté comme fonction qui n’est pas libre, mais qui peut le devenir, sa plasticité et sa résistance étant expliquées par des raisons d’ordre physiologique et psychique, il s’ensuit qu’on ne

  1. P. 140.
  2. La Morale anglaise contemporaine, p. 369.
  3. P. 190.
  4. P. 216.