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dagogie théorique, la pédagogie appliquée. L’auteur à déjà publié, il y a deux ans, la première partie, dont j’ai rendu compte dans cette Revue. Il publie aujourd’hui la seconde, sous ce titre : La science dans l’éducation. C’est bien, pourtant, si je ne me trompe, la science de l’éducation dont il prétend nous montrer les bases, les principes, l’organisation, la fin et les moyens généraux d’application. On peut, d’ailleurs, distinguer trois parties dans son œuvre : la préparation, la construction et le couronnement de l’édifice. Je vais aussi brièvement que possible examiner ces trois parties. Après cette exposition, je hasarderai quelques critiques nécessaires.

I. — L’auteur établit que l’histoire est comme un fondement empirique et un passage naturel à la théorie. Elle lui fournit des éléments d’induction, et la soustrait par là à tout dogmatisme. Mais la théorie n’émerge pas inévitablement de l’histoire. Celle-ci n’en est pas l’unique fondement. Pour s’élever au rang de science, la pédagogie, comme toutes les sciences d’ordre moral, doit atteindre une généralisation, sinon exacte, au moins approximative. Elle sera donc, avant tout, une série de notions positives sur la nature de l’homme ; mais ces notions, puisées au sein du groupe des sciences qui recherchent la genèse naturelle de l’homme et de la société, pourront, au moyen de quelque idée qui ait vertu de principe, être organisées en unité vivante, et par suite être appliquées au fait de l’éducation comme règles de l’art[1]. »

Avant d’examiner les doctrines qui servent de fondement scientifique à l’éducation, l’auteur critique celles qui, selon lui, rendent vaine, impossible ou funeste l’œuvre éducative. Il les juge au double point de vue des données qu’elles offrent sur la nature de la volonté et sur la fin de l’éducation. Comment les théologiens, les spiritualistes et les métaphysiciens, d’un côté, et les biologistes absolus, les partisans de l’évolutionisme mécanique, de l’autre, satisfont-ils à ces deux exigences vitales de la pédagogie : la détermination de la notion de la volonté, et de la fin de l’éducation ? Les philosophes de la première direction pèchent par excès, et ceux de la seconde direction par défaut, quand à la détermination de la puissance volitive. Les uns soustraient plus ou moins l’élève à l’influence éducative, par le dogme de la volonté spontanée, supérieure à toute détermination externe. Les autres, dans l’hypothèse d’un sujet vide, et purement passif et réceptif (table rase), ou d’un sujet plein, déjà composé d’habitudes séculaires et modifiables seulement par les effets d’une action séculaire, sont incapables de déterminer la nature et la portée de l’œuvre éducative. Les uns et les autres se trompent également quant à la fin de l’éducation. Cette fin est, pour les uns, extra-naturelle, théocratique ou doctrinaire, et l’éducation qui l’a en vue aboutit logiquement à la cruelle erreur d’un despotisme intellectuel, physique et moral. Cette fin est aussi bien difficile à établir pour le positivisme matérialiste et le phénoménisme absolu : la fin,

  1. P. 29-30.