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revue générale. — b. perez. Les théories de l’éducation.

semblables, comme il en est qui le rapprochent ; il en est qui ne produisent au dehors que le désordre ou même la ruine, comme il en est qui augmentent autour d’eux la paix, le bien-être et l’honneur[1]. » Je ne veux pas épiloguer sur ces définitions et sur ces explications, en somme, claires et acceptables. Il est bien difficile de donner, en quelques lignes, une définition de l’objet et des fins de l’éducation qui ne laisse rien à désirer, ou qui contente à peu près tout le monde. Celle de M. Joly, bien qu’un peu vague, a l’avantage d’embraser toutes les facultés du sujet à élever, et d’en diriger l’exercice raisonné et personnel vers des fins aussi utiles que possible à l’individu et à ses semblables.

L’éducation doit former l’homme d’un temps et d’un pays, mais surtout l’homme. « Entre l’éducation d’un Allemand, d’un Français et d’un Russe, les points communs doivent être nombreux, à coup sûr, et ceux qui ne le sont pas doivent être des exceptions. Ces exceptions n’en ont pas moins une importance considérable, et dont l’éducation doit tenir compte. C’est à la fois un devoir envers la patrie et un devoir envers l’enfant lui-même, que de préparer ce dernier à être un membre vivant du corps social où il est né, car plus il sera en mesure d’être utile à la vie commune, plus il sera à même de recevoir d’elle un accroissement de ressources et d’énergie[2]. »

Je n’apprends rien à personne en disant que, pour M. Joly, « l’homme est composé de corps et d’esprit. » Cette distinction absolue entraîne quelquefois pour sa pédagogie des déductions qui seront approuvées ou blâmées suivant l’opinion philosophique des lecteurs sur ces matières. Le corps, dit M. Joly, « arrive assez vite, sinon à la plénitude de ses facultés, du moins à ce degré de force où il n’a plus besoin que d’être entretenu et protégé. » L’esprit « se développe plus lentement, mais en revanche, il est capable d’un développement indéfini. » D’où cette conclusion « que l’éducation physique doit finir plus tôt que l’éducation intellectuelle et morale, mais qu’elle doit aussi commencer plus tôt[3]. » C’est là un paradoxe pédagogique et une erreur psychologique : le développement, quoique inégal, de toutes les facultés de l’être humain, se fait dès le berceau, et il me semble que c’est là une vérité banale et indiscutable. Les trois sortes d’éducation, physique, intellectuelle et morale, doivent donc faire leur œuvre concordante et parallèle, dès le début. Mais je n’insiste pas, pour ne pas retarder l’exposition du système. L’éducation physique, à quoi il n’y a rien à redire, est surtout l’œuvre des parents. Elle comprend l’hygiène, la gymnastique et le jeu. Elle a pour but, en premier lieu, le bien du corps, en second lieu, celui de l’esprit. Cette matière fournit à M. Joly d’intéressantes remarques sur les soins à donner aux différentes organisations, soit inertes, soit mobiles, soit vigoureuses ; sur la surveillance à exercer à l’égard des habitudes parasites et des tics, des gestes, des mouvements, des atti-

  1. Ibid., p. 2.
  2. P. 9.
  3. P. 11.