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ces affinités elle met au jour le travail qu’elle tient caché. C’est ainsi que la poudre est du travail disponible.

Mais du moment qu’une partie de ce travail est développée, la matière a cessé d’être ce qu’elle était, et ses usages ultérieurs sont moins étendus et moins variés. Quand la poudre a chassé le boulet hors du canon, il ne reste d’elle que les produits relativement fixes de sa combustion, l’acide carbonique, un composé d’azote et du sulfure de potasse.

Pour rendre son activité à la substance musculaire qui a fonctionné, il faut un certain travail dont on emmagasinera une partie dans le produit reformé. C’est ainsi que la poudre est le résultat d’une manipulation industrielle, et que, pour faire fonctionner à nouveau un cep ou un piège à souris, il faut retendre le ressort, et y renfermer une force égale à celle qui s’en est échappée.

Ce que nous venons d’exposer physiquement concernant la matière instable, on peut l’exposer chimiquement.

Deux molécules peuvent être unies de deux manières opposées. Ou bien elles ont de l’affinité l’une pour l’autre, et alors pour les séparer il faut faire un effort ; il faut, pour ainsi dire, tend re et briser le ressort qui les maintient rapprochées ; dans ce premier cas, la combinaison est stable. Ou bien elles sont unies par violence, il y a entre elles comme un ressort comprimé qui ne demande qu’à s’ouvrir, et, dans ce second cas, la combinaison est instable.

Une combinaison de la première manière, en se faisant, a dégagé de la chaleur ; c’est pourquoi il faut lui rendre de la chaleur pour la défaire. Une combinaison de la seconde manière en a absorbé, au contraire, et c’est pourquoi elle en dégage quand elle se résout. Qu’on veuille bien se rappeler ce qui a été dit plus haut de la formation du chlorure d’azote.

Or ce sont des combinaisons de la dernière espèce que forment les molécules d’un muscle intact, et elles entrent dans des combinaisons de la deuxième espèce quand il fonctionne.

Les combinaisons a A et b B étaient instables ; la combinaisons a b est stable. Tout muscle qui travaille dégage de la chaleur. D’ailleurs chaleur et travail c’est presque la même chose. Le travail exécuté, le muscle est inerte à moins qu’on ne remette les molécules dans le même état, ou qu’on ne les remplace par d’autres disposées de la façon voulue. C’est ce que la nourriture se charge de faire.

En tant qu’elle est prête à fonctionner, c’est-à-dire à réparer les pertes de l’organisme, elle est une substance instable, qui nécessairement, elle aussi, mise en rapport avec l’organe affaissé, y provoque de nouvelles précipitations chimiques en sens inverse.