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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

plus rapide, les sons bas d’un mouvement plus lent. L’ouïe est indirectement le plus intellectuel de tous les sens[1] puisqu’elle permet l’instruction par le langage. Aussi remarque-t-on que les aveugles-nés sont plus intelligents que les sourds-muets (Sens. I, § 10). L’ouïe est comme la vue un sens médiat, aérien. La sensation résulte de l’ébranlement communiqué à la colonne d’air renfermée dans le conduit auditif. C’est pour cela que le Phoque entend, quoiqu’il n’ait que le conduit et point d’oreille externe (Gén., V, 34)[2]. »

Aristote a peut-être quelque connaissance de la membrane du tympan[3]. Cette membrane toutefois n’empêcherait pas le mouvement communiqué à l’air de se transmettre jusqu’à la poitrine (sans doute par les veines[4]) jusqu’à la région où le pneuma (le souffle) donne naissance au pouls chez certains animaux[5] et chez d’autres à l’inspiration et à l’expiration (Gen. V, 29). C’est de là que le son revient en paroles ; la parole n’est qu’une sorte d’écho des sons articulés ayant pénétré dans l’oreille. C’est le même mouvement qui se propage de l’oreille à la gorge (Ibid.) Aussi entend-on moins bien quand on bâille ou pendant le temps de l’expiration (Gen. V, 30) parce qu’’alors les deux mouvements se contrarient[6].

Odorat. — L’odorat est jusqu’à un certain point intermédiaire entre les sens comme la vue et l’ouïe qui perçoivent à grande distance, et les sens qui exigent le contact des objets, comme le toucher et le goût. Toutefois l’odorat se rapproche davantage des premiers. Les odeurs se partagent en odeurs douces et odeurs fortes. À la première catégorie appartiennent le miel et le safran ; à la seconde, l’odeur du thym et des plantes aromatiques du même genre (= les labiées).

L’odoration a lieu dans l’eau comme le démontre l’observation

  1. Voy. ce qui est dit plus haut de la vue.
  2. Aristote devait savoir que le Phoque peut fermer son conduit auditif : a Pour entendre sous l’eau, il ne faut pas que celle-ci entre dans le conduit par les circonvolutions (= sans doute les sillons et les excavations du pavillon » (Âme, II, viii. 6).
  3. « On n’entend pas quand la membrane est malade, (= peut-être s’agit-il simplement des parois du conduit auditif ?) de même qu’on ne voit plus quand la peau qui est sur la pupille de l’œil devient malade aussi (Âme, II, viii. 6). »
  4. Voy. ci-dessus.
  5. Ce passage ne semble pas tout à fait conforme à la doctrine aristotélique. On n’oubliera pas que la plupart de ces indications sur l’ouïe sont extraites du Ve livre du traité De la Genèse.
  6. Nous ne sommes plus si loin, comme on le voit, de l’opinion prêtée à Alcméon que les chèvres respirent par l’oreille et si nous étions mieux renseignés sur « cette prétendue opinion du disciple de Pythagore (Voy. ci-dessus, peut-être retrouverait-on ce point de départ de la doctrine péripatéticienne sur l’origine de la voix.