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tendons, les ligaments, que tout cela se confondait dans l’esprit des anatomistes d’alors et ne constituait qu’une seule catégorie d’organe.

Dans les derniers chapitres du traité De la respiration qui n’appartiennent probablement pas à l’œuvre primitive d’Aristote, trois ordres de mouvements sont attribués au cœur : 1o la palpitation, 2o le pouls, 3o la respiration. — La palpitation, ce sont les battements ressentis contre la paroi de la poitrine. Les parties supérieures du corps et la tête étant le siège d’un refroidissement constant, la chaleur vient se concentrer vers le cœur et y produit cette agitation. — Le pouls est un battement analogue à celui qu’on sent dans les abcès. L’auteur aristotélique, comme on le voit, n’a aucune idée de la dépendance des deux phénomènes et les croit seulement de même ordre. Dans l’abcès, ce battement est une sorte d’ébullition qui cesse quand l’humeur est évacuée. De même le pouls du cœur est un gonflement causé par la chaleur dans l’humeur qu’y apporte sans cesse la nourriture. Ce mouvement est continuel, parce que l’humeur dont se forme la nature du sang, y arrive aussi sans interruption. Ce mouvement se communique à toutes les veines, c’est-à-dire — et il faut bien l’entendre ainsi — aux parois de toutes les veines ; il est partout simultané (Resp. XX). — Nous laissons de côté le mouvement respiratoire dont le cœur serait aussi le principe. Il semble en définitive résulter de ce passage, qu’on distinguait dans le cœur deux mouvements : celui par lequel il frappe la paroi de la poitrine (= par lequel la pointe du cœur se relève) ou la palpitation ; et en second lieu un mouvement d’expansion et de retrait (= diastole et systole) qui se communique aux parois des vaisseaux, qui est l’origine du pouls et où le sang ne joue par conséquent aucun rôle. Galien partagera cette erreur : tout en reconnaissant que les battements du cœur sont l’origine du pouls, il croira que les parois vasculaires sont l’unique agent de transmissions de ces mouvements et il s’appuiera, pour penser ainsi, d’une expérience capitale qu’il institue. Il remplace un bout d’artère par un tuyau et voit qu’au delà l’artère ne bat plus : il en conclut que les battements sont propres aux parois des vaisseaux. On peut supposer que Galien employa pour son expérience un canon de roseau rugueux à l’intérieur et qui dût en conséquence provoquer aussitôt la coagulation du sang. Quelle révolution eût faite dans la biologie cette expérience qui mérite de rester célèbre, si Galien avait eu à sa disposition, comme nous, des tubes de verre où la coagulation ne serait pas survenue aussi vite et ne l’eût pas induit dans une erreur qui ne devait être effacée que bien des siècles plus tard ?

Ajoutons pour compléter ce qui a trait au cœur dans la collection