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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

reste de la vie ? certains passages de la collection aristotélique semblent attribuer la secrétion du sang à l’ensemble des veines, qui le formeraient aux dépens de l’aliment puisé par celles du mésentère dans l’estomac et la première partie de l’intestin. On doit se figurer les particules de cet aliment sublimées en quelque sorte, gagnant les régions supérieures de la tête par les deux veines du cou (= les jugulaires et les carotides) issues de la Grande veine et de l’aorte, et qui vont se terminer dans les méninges en enveloppant l’encéphale d’un fin réseau de vaisseaux. Mais l’encéphale est un organe essentiellement froid ; aussi, de ces hauteurs froides, comme d’un sommet nuageux, l’aliment retombe en courants qui se répandent dans tout le corps, de même que la pluie résulte des vapeurs montées dans l’atmosphère (Des parties, III, 7). Ces courants sont ceux du flegme et de la lymphe[1]. D’après cette comparaison — et les comparaisons nous éclairent souvent mieux qu’un pur exposé didactique — on doit penser que l’École se figurait l’aliment ayant subi une première coction dans les voies digestives, puisé là par les veines du mésentère sous la forme d’une vapeur, d’un brouillard, d’une fumée (selon l’expression encore employée pour le vin}, et montant des intestins à la tête. Quant à ces courants — très lents — de sang ainsi chargé de vapeurs montant vers la tête, et de sang rafraîchi en descendant, il ne faut pas s’étonner de les voir se faire par les mêmes conduits. Galien admettra également ces circulations ou plutôt ces déplacements des humeurs dans les veines en sens opposé, alternatifs ou simultanés peu importe, en tous cas toujours très lents. Les anciens, il ne faut pas l’oublier, n’avaient aucune idée du circulus qui permet le rapide mouvement du fluide contenu dans les vaisseaux, et s’imaginaient qu’il n’était renouvelé à leur intérieur que dans la proportion même où il se dépensait dans les organes. Aristote ne dit nulle part d’une manière formelle que le sang soit en mouvement ; la comparaison qu’il fait du système vasculaire avec une canalisation d’arrosage autorise seule à penser que déjà les idées si bien exposées plus tard par Galien, commençaient à se faire jour.

Le cœur est le principe de tout mouvement. C’est d’abord parce qu’il est le premier organe en mouvement chez l’embryon, parce qu’il reste en mouvement toute la vie, c’est aussi parce qu’on y trouve des tendons (= les cordes tendineuses des valvules) analogues d’aspect à ceux qui font mouvoir les membres. On ne doit pas perdre de vue que l’aorte, les veines nerveuses qu’elle donne, les nerfs, les

  1. Il est très difficile de déterminer exactement les humeurs qui sont désignées ici sous ces noms de flegme et de lymphe ; le premier est peut-être simplement le mucus nasal.