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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

reins (= veines et artères rénales) et de plus envoient chez la femme beaucoup de petits vaisseaux à la matrice (Gen., II, 46)[1]. Au-dessous du double Δ les branches de celui-ci fournissent des vaisseaux aux organes voisins et finalement s’enfoncent dans les membres inférieurs.

Cette description des veines, empruntée à l’Histoire des Animaux, se retrouve résumée dans ses lignes les plus générales au traité Des parties (III, 5)[2]. Mais dans celui-ci, œuvre scientifique par excellence, il n’est fait aucune mention de l’origine extraordinaire des veines du pli du coude dont l’arrangement n’avait d’intérêt que pour les médecins à cause de la saignée[3]. L’origine de ces veines telle que la donne l’Histoire des animaux, est double ; elles se composent à la fois : 1o de la veine de l’aisselle et d’une veine descendant de la tête pour se réunir à elle (c’est la veine que nous appelons encore « céphalique » ) ; 2o d’une autre veine venant de l’hypochondre correspondant et qu’on appelait « veine splénique » à gauche et « veine hépatique » à droite[4]. On les saignait l’une pour les maladies du foie, l’autre pour les maladies de la rate, sans doute d’après des vues empiriques fort anciennes, qui avaient à la longue fait admettre ce trajet compliqué.

Aristote avait vu dans l’œuf du poulet le cœur apparaître comme le premier point vivant de l’organisme ; cet organe sera également le dernier à mourir, car l’un est la conséquence de l’autre (Gen. II, 78) : le cœur n’est pas seulement l’origine des deux espèces de veines, il est le centre même de l’être vivant, le point de départ et l’aboutissant de toute sensation et de tout mouvement, le siège de la formation du sang (Des parties, III, 4), la source de sa chaleur et de sa limpidité (Des parties, III, 5)[5].

  1. Peut-être les artères ovariques. Tout ce qui a rapport à la distribution du sang dans le bassin est assez obscur. Ainsi, il est parlé de deux canaux partant de l’aorte et allant à la vessie, forts et continus (ἰσχυροὶ καὶ συνεχεῖς) ; faut-il y voir les artères ombilicales ? D’autres vaisseaux sont aussi indiqués comme venant du fond des reins et sans communication avec la Grande veine : il ne peut s’agir ici des uretères qui devaient être bien connus et qui sont d’ailleurs décrits dans un autre passage.
  2. Une indication sommaire du rôle des veines et du cœur reparaît encore à la fin du traité Du sommeil (III §18), mais assez obscure.
  3. La saignée était certainement pratiquée sur beaucoup de veines, mais celle au pli du coude paraît avoir eu dès ce temps une valeur particulière.
  4. « La veine issue de la Grande veine et qui traverse le foie (= veine sus-hépatique ou veine porte ?) donne une branche qui remontant à l’aisselle dans le bras droit va rejoindre les autres veines du pli du coude (Hist. des anim. III, iv). À gauche, une portion de la Grande veine se ramifiant de la même façon remonte dans le bras gauche, seulement tandis que la première était bien celle qui traverse le foie, la seconde reste distincte de la veine splénique ; néanmoins les médecins l’appellent splénique et l’autre hépatique. »
  5. « Le cœur est essentiellement la source de chaleur du corps entier, abritée là comme dans une forteresse au siège même de la force trophique ».