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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

qu’il donne à son tour. Les plus anciens physiologues paraissent s’être généralement accordés à faire descendre toutes les veines de la tête[1]. L’observation des vaisseaux des tempes et du cou chez l’homme et chez les animaux, tels que le cheval, ont pu conduire à cette opinion, surtout en voyant le sang s’accumuler dans ces vaisseaux quand on comprime le cou, et surtout alors qu’on n’avait aucune notion d’une force quelconque pouvant y pousser le sang de bas en haut. Déjà cependant certains anatomistes faisaient du foie le point de départ des veines (Des parties, III, 4), opinion à laquelle se rattachera Galien. Mais pour Aristote le cœur seul est le centre et l’origine des veines : il n’est pas seulement traversé par elles (Des parties, III, 4), il est lui-même de nature veineuse, doctrine conforme aux données de la science moderne, qui ne voit dans le tissu du cœur qu’une modification locale du tissu des parois vasculaires.

« Le nombre des cavités du cœur est de trois, du moins chez les gros animaux[2] ; toutefois les petits Sanguins (= Vertébrés ; voy. plus loin) n’en ont que deux et les très petits une seule (Des parties, III, 4). Des trois cavités du cœur l’une, la plus grande, est à droite et en haut ; la seconde est placée à gauche relativement à la précédente, et la troisième entre les deux autres. De la grande cavité du cœur part la Grande veine (= veine cave ascendante et descendante). De la cavité moyenne part la veine dite « aorte » (Hist. des Anim., III, iii, 6) nom qui se trouve ici pour la première fois dans la science. Aucun vaisseau n’est indiqué comme partant de la cavité située à gauche[3].

  1. Le nom de « fontanelle », qu’a conservé le sommet du crâne, vient peut-être de cette antique croyance. Voy. plus loin.
  2. Dans la dissection officielle faite au Japon en 1795, dont nous avons parlé plus haut (voy. p. 369, octobre), on ne trouva que trois cavités au cœur bien qu’on s’attendit à en découvrir quatre d’après les anatomistes occidentaux. Il est certain que quand on détache le cœur des vaisseaux auxquels il est suspendu, la flaccidité des parois des oreillettes, en l’absence de toute préparation spéciale et de toute injection, ne permet guère d’en bien apprécier l’étendue et les rapports. — Nous devons à M. Scheffer la communication d’un des manuscrits les plus intéressants de sa riche collection ; c’est un traité d’anatomie écrit par Mansour ben Mohammed ben Ahmed pour Mirza Pir Mohammed, petit-fils de Tamerlan, mort en 1406. Ce manuscrit est du temps et contient les figures d’anatomie probablement les plus anciennes qui existent au monde, Le cœur y est aussi figuré avec trois cavités bien distinctes, une médiane plus grande et deux latérales, comme deux oreilles. Voy. Note sur des figures d’Anatomie remontant à la fin du xvie siècle. Soc. de Biologie, 10 mai 1884.
  3. Malgré les deux points de repère donnés par l’origine des veines caves issues de la grande cavité, et de l’aorte issue de la cavité moyenne, la détermination des trois cavités du cœur d’après la description aristotélique, même en