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IV

le cœur

L’étude des « parties dissemblables » tient, on le conçoit sans peine, dans la collection aristotélique, une place beaucoup plus grande que celle des parties similaires. L’histoire anatomique des organes n’est pas séparée de celle de leurs fonctions et nous ne les séparerons pas davantage.

Pour Aristote le plus important, le premier des organes est le cœur dont l’étude se confond avec celle du sang et des vaisseaux qui le contiennent. Il n’a aucune idée de la circulation telle que nous l’entendons aujourd’hui, ni même des deux sortes de sangs[1] si bien distingués par Galien, que les artères d’une part et les veines de l’autre, versent aux organes. Toutefois le sang étant le propre aliment de ceux-ci, il faut bien admettre un déplacement qui le porte vers eux. On trouve déjà dans Aristote cette comparaison, reprise plus tard par Galien, des veines avec l’appareil d’irrigation d’un jardin, où l’eau passe de canaux plus grands dans de plus petits et finalement poursuit son cours par les conduits invisibles de la terre, d’où on la voit sourdre quand on creuse celle-ci, et où la puisent les racines des plantes (Des parties, III, § 5). De même le sang se répand dans le corps et coule quand on entame la chair. À la peau, les pores trop petits pour l’épaisseur du sang ne laissent transsuder que la sueur, encore faut-il pour cela que le sang s’échauffe, que les conduits où il est renfermé et les pores se dilatent (Des parties, III, § 5). Quant aux hémorrhagies spontanées, elles résultent d’une coction incomplète du sang, lorsque par défaut de chaleur propre il est resté trop fluide ; il s’écoule alors par des pores qu’autrement il ne pourrait traverser, étant de sa nature composé d’humide et de terreux[2].

Nous avons déjà parlé du passage si important de l’Histoire des animaux qui nous fait connaître trois descriptions du système veineux d’après des anatomistes antérieurs, et celle moins imparfaite

  1. Ceci est cependant moins certain et un passage de la collection aristotélique semble peut-être y faire allusion. Voy. Des deux sangs et de leur distribution d’après Galien. Rev. scient., 1879.
  2. Voy. ci-dessus 1er article. « On saigne du nez, des gencives, du fondement, surtout de la gorge sans douleur et sans effort. L’effort accompagne au Contraire les hémorragies par les bronches » (Des parties, III, 5).