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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

la couleur blanche, comme le montrent les liquides qui moussent[1] ; de même l’air renfermé en vapeur dans le corps est la raison de la couleur plus blanche du poil sous le ventre des quadrupèdes à livrée uniforme, parce que cette région est plus chaude (Gen., V, 74) ; pour cette raison encore, les animaux blancs ont une chair plus succulente, ayant subi, grâce à la présence de cet air, une coction plus parfaite. »

Squelette. — Nous avons dit qu’Aristote n’avait probablement jamais étudié ou même jamais vu de squelette humain. Mais on peut s’étonner qu’il n’ait pas donné plus d’attention à celui des animaux. Est-ce une lacune dans la collection aristotélique ou plutôt faut-il penser que le philosophe négligea, de parti pris, ces organes terreux et si peu vivants ? Il sait toutefois que les os se relient tous les uns aux, autres, que cette continuité du squelette est la condition même de son rôle physiologique, aussi bien que la rigidité et la résistance des os qui le composent. « Les os représentent, en quelque sorte, les bois et les fers d’une marionnette, dit-il très-justement ; les nerfs sont comme les ressorts qui, une fois lâchés, se détendent et meuvent la machine » (Du mouvement, VII, 7). Par « nerfs » l’auteur entend ici les tendons. Aristote n’a absolument aucune notion des muscles ; les muscles tous ensemble constituent ce qu’il appelle la « chair », douée seulement, à ses yeux, de propriétés sensitives. Les tendons ne transmettent pas l’action musculaire puisque celle-ci n’existe pas ; ils sont la puissance même qui fait mouvoir les os.

Aristote n’a que des idées très vagues sur la composition du squelette des animaux. Toutefois il sait que l’Éléphant est un animal digité, à cinq doigts bien distincts, avec leurs phalanges[2]. Il ne soupçonne pas les homologies des os des membres. Il voit bien que l’Éléphant marche du membre postérieur de la même façon que l’homme[3] et il reconnaît aisément le genou de l’énorme bête à la

  1. Il est assez curieux que la réalité soit jusqu’à un certain point d’accord avec cette théorie aristotélique. La couleur blanche dans les poils des animaux aussi bien que dans les pétales des fleurs a pour cause la présence de globules d’air infiniment ténus.
  2. L’auteur semble parler ici de visu. À la rigueur l’existence des doigts chez l’Éléphant est nettement accusée à l’extérieur par ses ongles ou sabots, surtout chez les jeunes sujets, et on verra plus loin qu’Aristote avait eu probablement occasion de les observer.
  3. L’Éléphant est peut-être, en effet, celui de tous les animaux, sans en excepter les grands singes, dont les mouvements du train postérieurs se rapprochent le plus des nôtres. On sait que les os de la jambe de l’éléphant ont été pris à diverses époques ou montrés pour des os de géants. La différence, abstraction faite de la longueur du pied, n’est pas si grande qu’un public peu instruit ne s’y puisse laisser prendre,