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en partie perdue. La contraction opérée lui a enlevé de sa capacité à se contracter, et a, par conséquent, altéré sa substance. Pour rendre l’exposition plus claire, admettons que l’on ait fait faire en une fois au filament tout le travail dont il est capable, de sorte qu’on ne puisse plus en tirer de nouvelle contraction ; et raisonnons.

Comment ce travail a-t-il pu se faire ? Évidemment, avant d’être excités, les éléments de la fibre étaient, comme on dit, à l’état de tension. On peut aisément se figurer la chose. Soient deux éléments ou molécules consécutives a et b. Imaginez qu’elles sont attachées aux extrémités d’un petit ressort à boudin ouvert qui cherche à les rapprocher, et qu’elles sont maintenues dans cette position forcée parce que a est allié à une autre molécule fixe A, et b à une molécule B. De plus, entre a et A, de même qu’entre b et B, il y a un autre petit ressort, celui-ci comprimé, qui ne demande qu’à s’ouvrir et à séparer a de A, et b de B. Les couples a A et b B représentent donc deux composés instables. Ainsi dans les ceps à moineaux, le ressort qui doit rapprocher les bras est réduit momentanément à l’impuissance par un léger arrêt contre lequel il bute, et dans certains pièges à souris, un mince fil retient dans une position forcée un anneau qui se relève brusquement si le fil est coupé.

Les molécules a et b étant attachées comme il vient d’être dit, l’excitation, venue du dehors, rompt leurs attaches ; elles quittent A et B pour se précipiter l’une sur l’autre, et la contraction est le phénomène visible produit par la détente et la chute. Ce même phénomène se reproduit tout le long de la fibrille.

Dans cet état de détente, celle-ci ne peut plus fonctionner. Pour rendre à l’organisme cette fibre perdue, de trois choses l’une : ou il faut que a soit rattaché à A et b à B ; ou qu’un nouvel a et un nouveau b soient recréés en A et en B, les anciens étant éliminés ; ou enfin que A et B s’en aillent, et qu’on mette à leur place deux molécules capables de repêcher a et b. D’une manière comme de l’autre, la réparation revient, au fond, à reformer une fibrille.

C’est l’affaire de la nourriture. Raisonnons uniquement sur le cas où sa mission consisterait simplement à raccommoder la fibre. Il lui faut pour cela dissocier les éléments a et b actuellement rapprochés, et les rattacher en A et en B. La chaleur qu’elle renferme dans son sein, suffit à produire ce double phénomène. Cette chaleur séparera a de b et, de plus, établira une union violente entre a et A ainsi qu’entre b et B.

Les particules nutritives, en se portant près de a et de b, leur présenteront des attractions plus puissantes, qui seront la source de nouvelles précipitations en sens inverse, et la fibre se refera ainsi